Si le colonialisme en tant qu’époque historique marquée par l’invasion, l’appropriation et la domination de territoires et de corps primairement dans le Sud Global est majoritairement terminée, les appels à la décolonisation, eux, persistent autour du monde dans différentes sphères de la société. Dans les milieux académiques, depuis le tournant du millénaire, le courant dit décolonial s’est progressivement fait une place au sein des sciences sociales, apportant des connaissances empiriques, théoriques et méthodologiques sur les différentes manifestations du colonialisme et de ses vestiges. En criminologie, un projet anti-/contre-/décolonial naissant s’attèle à examiner les liens entre la théorie et la pratique dans le domaine de la criminologie. Il scrute la production de connaissances criminologiques et leurs impacts et analyse dans quelle mesure les institutions du système pénal peuvent alimenter et perpétuer des logiques ou projets colonialistes passés ou présents. Dans cette contribution, trois des principaux postulats de la criminologie dite décoloniale seront présentés, à savoir la décolonisation des « partenaires privilégiés » de la criminologie, du « regard » criminologique, et du « corps » criminologique.
Introduction : une criminologie complice du colonialisme ?
Les critiques à l’égard de la criminologie pèsent lourd. Des chercheuses et chercheurs qui s’intéressent au phénomène de la transgression des normes sociales et légales établies et aux préjudices sociaux plus largement reprochent à la criminologie d’être complice de projets coloniaux : Kitossa écrit que « On peut dire que la criminologie est une servante du colonialisme depuis ses débuts »[1],[2]. Agozino prétend que « la criminologie est une science sociale qui a servi le colonialisme plus directement que beaucoup d’autres sciences sociales »[3] et que la criminologie serait « une science impérialiste pour le contrôle de l’Autre »[4]. Moosavi reproche à la criminologie d’être occidentalocentriste[5] et Cohen critique que l’application irréfléchie de théories et de pratiques originaires de l’Occident, et qui ne se seraient jamais révélées efficaces dans ces pays, aurait fait de la criminologie et des criminologues des avant-gardes du néocolonialisme[6].
Comment se fait-il donc que la criminologie fasse l’objet de telles critiques ? Quels sont les liens entre la colonisation, le(s) colonialisme(s) et la discipline criminologique et quels sont les postulats et propositions de la criminologie que l’on nommera ici décoloniale ? Pourquoi et comment décoloniser la criminologie ? Voici quelques-unes des questions auxquelles la présente contribution propose quelques réponses.
Après un bref retour sur notions de colonisation et de décolonisation, ainsi que sur la notion de colonialité du pouvoir, il s’agira de situer les inititatives à la décolonisation des savoirs dans le contexte des débats décoloniaux dans la société plus largement. Ensuite, je présenterai trois des principaux postulats de la criminologie décoloniale avant de conclure avec quelques leçons et limites de cette approche.
1. Décoloniser les terres sans décoloniser les esprits
Entre le 15ème et le 20ème siècle, la colonisation a permis aux puissances européennes d’occuper 18% de la surface et 3% de la population mondiale. La colonisation comprenait l’occupation et l’exploitation des terres ainsi que la mise en place de structures et systèmes de dominance économique, politique et culturelle.[7] Dans le contexte de colonies de peuplement, la colonisation comprend le peuplement massif des territoires occupés et un effacement total ou partiel de la population autochtone. Selon certains auteurs, une colonie de peuplement passe nécessairement par des actes génocidaires.[8] La colonisation est une époque de l’histoire dont les répercussions allaient et continuent à aller au-delà du binôme colon-colonisé. Des pays tels que la Suisse, qui n’ont pas colonisé des terres de leur propre chef, ont contribué et participé à la colonisation et ont été affectés par elle. Cet enchevêtrement prenait la forme de peuplement de terres colonisées (aux Etats-Unis, en Amérique latine, ou en Afrique du Nord)[9], de participation aux commerces (dans le commerce triangulaire entre l’Europe, l’Afrique et les Amériques avec des esclaves, des tissus, ou des produits issus des plantations)[10], de théorisations scientifiques sur l’infériorité de l’Autre non-européen[11] ou alors de mises en scène de l’Autre colonisé dans les dites « exhibition de peuplades » (en all., « Völkerschauen »)[12].
La décolonisation signifie, grosso modo, l’inversion du colonialisme, qui passe par un processus de rétrocession des anciennes colonies et qui se termine par l’indépendance et l’auto-gouvernance des peuples et territoires libérés.[13]Après la Deuxième Guerre mondiale et jusque dans les années 1960, commença un processus de décolonisation massive, à l’issue duquel une grande partie des terres occupées furent rendues aux peuples indigènes. Loin d’être un processus pacifique ni toujours couronnée de succès pour les terres et les peuples occupés, la décolonisation a vu l’éclatement de guerres d’indépendance, telle que la guerre d’indépendance d’Indochine, de l’Algérie, ou encore du Kenya.[14]
Au-delà de ce processus politico-historique stricto sensu, la pensée décoloniale (ou contre-/anti-coloniale) a émergé avec la prise de conscience que la « matrice coloniale du pouvoir » était loin d’avoir disparu même dans des contextes dans lesquels le processus décolonial est parvenu à son aboutissement. C’est-à-dire que bien que la colonialité du pouvoir ait objectivement disparu, des formes de colonialité du savoir ainsi que de colonialité de l’être ont tout de même persisté.[15] Un exemple de cette continuité sont les différentes formes de racisme autour du monde, qui imposent des hiérarchies de savoir et de l’être sur base de caractéristiques éthniques. Comme Quijano le propose, « la race, à la fois mode et résultat de la domination coloniale moderne, a imprégné tous les champs du pouvoir capitaliste mondial. Autrement dit, la colonialité s’est constituée dans la matrice de ce pouvoir, capitaliste, colonial/moderne et eurocentré. Cette colonialité du pouvoir s’est avérée plus durable et plus enracinée que le colonialisme au sein duquel il a été engendré, et qu’il a aidé à s’imposer mondialement » (p. 112).[16] Certains auteurs réfèrent à la persistance de ces dynamiques de pouvoir imbues de logiques colonialistes par le terme néo-colonialisme.[17]
En effet, pour qu’un projet colonial puisse avoir lieu, la métropole ainsi que la colonie doivent être convaincus – intellectuellement et symboliquement – que la colonisation est nécessaire voire bénéfique pour les terres et peuples ciblés. Colonisation et colonialisme ne doivent ainsi pas être confondus, car comme la colonisation renvoie à une période, le colonialisme circonscrit un mouvement social total dont la perpétuation peut être identifiée dans la persistance des formations sociales.[18] Le projet colonial est dépendant de l’idéologie colonialiste, dès sa première conception, en passant par son opérationalisation jusqu’au moment où il n’est physiquement plus percevable, mais toujours existant. En d’autres termes, la langue aurait fait à l’esprit ce que l’épée a fait au corps des colonisé·e·s[19]. Le projet colonial diversifie ses instruments et a mobilisé toute une série d’instruments non-violents pour imposer et rendre acceptable la domination d’un peuple par une puissance qui lui est étrangère. Comme l’écrivent Tuck et Yang, « le colonialisme se distingue par ses spécialisations. En Amérique du Nord et ailleurs, la souveraineté du colon impose la sexualité, la légalité, la racialité, la langue, la religion et la propriété de manière spécifique »[20], rendant par là une vie colonisée non seulement inévitable et acceptable, mais pour certains même souhaitable.
Ainsi, à bien des égards, les structures de pouvoir et le discours hégémonique qui ont justifié et maintenu les projets coloniaux, continuent d’avoir un impact sur le Sud global, mais aussi le Sud global à l’intérieur du Nord global (not. à travers la racialisation), perpétuant des dynamiques d’oppression et des catégories de dominants et de dominés[21], de savants et d’ignorants.[22] Mignolo suggère que l’Occident « était, et est toujours, le seul lieu géo-historique qui fait à la fois partie de la classification du monde, et la seule perspective qui a le privilège de posséder des catégories de pensées dominantes à partir desquelles le reste du monde peut être décrit, classé, compris et amélioré »[23].
La dimension coloniale qui est au cœur des réflexions décoloniales en sciences sociales et en criminologie est celle de la colonialité du savoir : Quels sont les systèmes de hiérarchie de savoirs qui façonnent notre perception de ce qui serait « scientifique » (vs. « ascientifique »), de ce qui serait de l’ordre de la connaissance (vs. de la croyance ou de la mythologie), de ce qui serait du savoir « objectif » (vs. subjectif) et de ce qui serait du savoir « légitime » (vs. illégitime) ? Comment la production de connaissances académiques perpétue-t-elle de tels systèmes de hiérarchie ? La décolonisation épistémique ou intellectuelle propose une réflexion de type foucaldien, s’interrogeant sur les liens entre la production de connaissances et les structures de pouvoir dans une société et un contexte donné.[24] Elle part du principe que certains savoirs et discours sont hégémoniques, c’est-à-dire dominants et constituant ce qui est perçu comme normal et acquis – au détriment de savoirs subjugués qui sont à leur tour disqualifiés et considérées comme illégitimes.[25] Suivant Antonio Gramsci et son postulat de l’hégémonie culturelle, un savoir dominant à un moment donné et dans un contexte donné est nécessaire pour permettre au pouvoir en place de maintenir le status quo.[26]
2. Décoloniser l’université
Les appels à la décolonisation qui vont au-delà de la rétrocession des terres occupées sont multiples. De la décolonisation des musées, des théâtres et des arts, en passant par la décolonisation de la médecine et du genre, pour en arriver à la décolonisation de l’intelligence artificielle et du travail social : comme la colonisation et les colonialismes influencent la société dans son intégralité, tout domaine de la société est susceptible de devenir l’objet de la décolonisation. Les appels à la décolonisation se sont particulièrement amplifiés ces dernières années lors d’événements tragiques rappelant des traumatismes collectifs dont les sources étaient estimées être à localiser dans le contexte de projets coloniaux et dans les colonialismes plus largement. Rappelons par exemple les manifestations autour de la statute de Cecil Rhodes (un impérialiste britannique et suprémaciste blanc) en Afrique du Sud en 2015, qui ont provoqué par la suite des manifestations au niveau mondial appelant à enlever les statues d’anciens colons et de changer les noms des universités portant leurs noms.[27] En Suisse, l’espace Louis Agassiz (promoteur de thèses racistes) fut renommé pour devenir l’espace Tilo Frey, d’après une des premières femmes élues au Parlement fédéral en 1971.[28] Encore aujourd’hui, des appels d’activistes demandent le remplacement des statutes de David de Pury à Neuchâtel ou d’Alfred Escher à Zurich par des plaques commémorant les victimes du colonialisme et du racisme.[29] Un autre événement emblématique était le meurtre de Georg Floyd par Derek Chauvin à Massachusetts aux Etats-Unis le 25 mai 2020 qui a suscité des manifestations de masse aux Etats-Unis et en Europe, et qui a réinvigoré le mouvement « Black Lives Matter ». Parmi les différentes demandes des manifestants se trouvaient des appels à lutter contre le racisme institutionnel et les violences policières, à définancer voire abolir la police, mais également à décoloniser les institutions académiques.[30]
La décolonisation, c’est donc un mouvement englobant toutes les sphères de la société, mais tout particulièrement les institutions détenant des pouvoirs sociaux importants, l’université en étant une, mais également les institutions de justice pénale à cause du monopole de la violence qui leur est accordé. Dans ce contexte, le prisme décolonial tend à poser essentiellement deux questions : Premièrement, dans quelle mesure les structures économiques, politiques, sociales, culturelles, etc. en place aujourd’hui sont-elles le produit des projets coloniaux? Deuxièmement, comment les structures en place continuent-elles à maintenir et à reproduire les projets et les logiques colonialistes, et donc les oppressions et inégalités qui en découlent?
S’agissant de l’université, les approches décoloniales s’intéressent donc aux origines coloniales de l’institution, aux personnes occupant des positions de pouvoir (not. la représentativité), aux priorisations curriculaires, aux questions des normativités epistémiques (not. l’eurocentrisme), et à la production de connaissances (qui produit comment et pour qui/quoi?).[31] L’objectif de la décolonisation « intellectuelle » ciblant l’université est de scruter les dynamiques de pouvoir dans l’institution et la recherche, et de réduire les inégalités structurelles. Le projet décolonial rompt avec le projet colonial en introduisant la multiplicité et la pluriversalité dans l’éducation, pour rendre la production de connaissances ouverte à la diversité épistémique.[32] La criminologie dite décoloniale doit être localisée dans ce courant de pensée et dans ces initiatives au sein de l’académie, en particulier au sein des sciences sociales. Cependant, et comme nous le verrons ci-après, décoloniser la criminologie implique forcément de sortir des murs de la tour d’ivoire.
3. Décoloniser la criminologie
Plus concrètement, que signifie-t-il donc de décoloniser la criminologie ? Les initiatives et appels tombant sous ce libellé étant pluriformes, cette contribution se limitera forcément à une sélection des postulats. Par la suite, trois critiques principales évoquées par la criminologie décoloniale seront présentées. Il s’agit premièrement de la décolonisation des « partenaires privilégiés » de la criminologie, notamment les institutions de contrôle social formel, ensuite de la décolonisation du « regard » criminologique, c’est-à-dire des choix d’objets d’enquête, et enfin de la décolonisation du « corps » criminologique, à savoir les facultés de criminologie.
3.1. Décoloniser les « partenaires privilégiés » de la criminologie
Suite aux manifestations contre les violences policières au courant de l’année 2020 en Amérique du Nord et au-delà, le « Institute of Criminology & Criminal Justice » (ICCJ) de l’Université de Carlton décida d’arrêter les placements d’étudiant·e·s dans les services de police et de prison, qui sont d’ailleurs les partenaires privilégiés des instituts de criminologie et de sciences forensiques en Suisse également. Dans un statement publié sur leur site web, ils écrivent que « les problèmes de violence raciale de la part de la police ou d’autres institutions ne sont pas simplement le résultat de quelques pommes pourries, mais le résultat de structures institutionnelles pourries et de formations sociales enracinées dans le racisme et le colonialisme » [33]. Les institutions policières et carcérales auraient démontré leur inaptitude au changement, au plus tard lorsque des commandants de police niaient l’existence de racisme systémique dans leurs institutions respectives.
Louée de part et critiquée d’autre[34], cette initiative suscite en tout cas une interrogation sur le rôle et le positionnement de la criminologie dans le contexte de crises sociétales endémiques. En effet, un des aspects les plus importants de la décolonisation de la criminologie ne s’intéresse pas tant à la discipline académique en soi, mais à son aptitute à opérer des changements dans les institutions de contrôle social formel, en particulier de justice pénale, comme la police, les autorités de poursuite pénale, les tribunaux, la prison ou les services de réintégration post-carcérale. Décoloniser ces institutions revient à poser des questions épineuses quant à leur histoire coloniale et la reproduction contemporaine de logiques et systèmes coloniaux. La thèse sous-jacente est celle du « boomerang colonial » : Les violences coloniales perpétrées dans la périphérie retrouvent tôt ou tard leur chemin vers la métropole. Ainsi, des techniques et des institutions de contrôle social formel sont retransportés vers l’Europe pour être appliqués contre l’Autre déviant au sein de la métropole, comme par exemple les techniques de contre-insurrection développées par l’administration française en Algérie dépendante et réintroduites à Paris contre les migrants algériens, menant entre autres au massacre du 17 octobre 1961.[35]
Pour la police, le prisme décolonial dirige le regard vers son rapport à l’Autre non-blanc. Les personnes non-blanches continuent à être surreprésentées parmi les victimes de violences policières.[36] Il s’agit d’un constat qui n’est pas uniquement valable pour le contexte nordaméricain, mais pour l’Europe et la Suisse également. On se rappellera des meurtres de Mike Ben Peter à Lausanne aux mains de policiers, de manière très similaire à George Floyd, ou encore de Lamine Fatty ou de Hervé Mandundu.[37] Outre les violences policières, se pose la question du profilage racial dont le chiffre noir des victimes est encore bien plus important.[38] Dans quelle mesure les activités policières et le regard policier est-il informé par des stéréotypes racistes et colonialistes, associant l’Autre non-blanc à la dangerosité et l’illégitimité ? Comment ces stéréotypes et imaginaires se répercutent-ils dans l’usage différentiel de la violence par la police ? La police en Suisse a-t-elle réussi à passer outre son rôle dans la lutte contre la « Überfremdung » ou des vestiges de cette idéologie persistent-ils et pourraient nous permettre de mieux comprendre les problèmes structurels au sein des appareils détenant le monopole de la violence?[39]
Pour la prison, il s’agit de poser notamment la question de la surreprésentation de l’Autre en milieu fermé. Cette surreprésentation a été bien documentée dans des contextes de colonies de peuplement telles que les Etats-Unis, le Canada, la Nouvelle-Zélande ou l’Australie.[40] La situation est différente en Suisse, mais on y constate une surreprésentation de personnes étrangères (non seulement celles et ceux sans statut de séjour) en détention, plus encore en détention provisoire. Quand on aborde la question de la surreprésentation de l’Autre derrière les barreaux, le regard se tourne inévitablement vers les autorités de poursuite pénale, c’est-à-dire les procureur·e·s, ou les tribunaux. La décision de placer quelqu’un en détention provisoire est-elle complètement dépourvu de stérétoypes existant concernant leur parcours migratoire, leur crédibilité ou leur dangerosité ? La décision de retenir la culpabilité d’une personne et de la condamner à une peine privative de liberté, peut-elle être complètement détâchée d’imaginaires et d’associations cognitives faites entre certaines origines nationales ou caractéristiques éthno-culturelles et un manque de crédibilité ou une incapacité à être dissuadé de futurs délits si ce n’est par la prison ? Enfin, la criminologie a bien documenté le recours aux mesures administratives, c’est-à-dire techniquement non-pénales, pour de facto punir des individus considérés comme déviants.[41] Un exemple récent en Suisse sont les mesures policières préventives de lutte contre le terrorisme, adoptées par vote populaire en 2021 et entrées en vigueur en 2022. Le caractère extrêmement incisif de ces mesures (allant jusqu’à l’assignation à résidence dès 15 ans et l’astreinte au bracelet électronique dès 12 ans) suscite la question de la figure du « terroriste potentiel» que les autorités et le peuple avaient à l’esprit : Ne serait-elle pas informée par des imaginaires colonialistes et orientalistes associant le terrorisme à une certaine religion ou région du monde, facilitant ainsi la construction d’un mineur dangereux dont les droits fondamentaux peuvent être sacrifiés ?[42] La criminologie décoloniale part du constat que les réponses à ces questions ne peuvent faire l’impasse d’une réflexion sur les problèmes systémiques, c’est-à-dire des dysfonctionnements structurels qui dépassent le niveau de l’agent individuel. Essayer de réfléchir à ce rapport problématique entre les institutions de justice pénale et l’Autre « déviant » nécessite une réflexion sur l’impact qu’ont les imaginaries collectifs colonialistes au sein de la société sur nos pratiques et réflexes institutionnels. Il est important de noter que ces dysfonctionnements ne concernent pas uniquement le Nord Global mais également, et plus encore à certains égards, le Sud Global et les contextes post-coloniaux.[43]
3.2. Décoloniser le « regard » criminologique
Une autre critique formulée par la criminologie décoloniale est que les crimes commis dans le contexte du colonialisme (ou des formes de néocolonialisme) ne sont pas pris en compte par la criminologie.[44] Plusieurs facteurs pourraient expliquer ceci : Les « crimes » auxquels s’est intéressée la criminologie ont traditionnellement été ceux définis par les lois pénales nationales, le regard criminologique est ainsi plus domestique qu’international. En effet, les crimes internationaux n’évoquent guère l’intérêt des criminologues.[45] Ensuite, la criminologie s’est davantage intéressée aux crimes individuels qu’aux crimes collectifs. Cette tendance à l’individualisation empêche un engagement holistique avec des crimes dont les auteurs sont souvent difficilement identifiables en tant qu’individus, mais qui font des nombres importants de victimes, tels que les crimes commis dans le contexte. En outre, la criminologie est statocentriste, et cela de deux manières : d’un côté, sa grille d’analyse de son objet principal repose sur des définitions étatiques et légalistes, prenant, en principe, pour acquis la légitimité des instances étatiques; de l’autre côté, sa proximité avec le monde de la pratique et du policymaking et sa volonté d’être pertinente constituent des barrières à la production de connaissances révolutionnaires et véritablement innovantes.[46] Par ailleurs, la tradition empiriciste de la criminologie pourrait rendre l’étude de crimes pour lesquels la collecte de données est compliquée voire impossible peu attirante. Enfin, l’intérêt manquant pour les crimes commis dans le contexte des colonialismes pourrait s’expliquer par l’eurocentrisme de la criminologie : La discipline pourrait avoir des difficultés à passer outre l’idéologie colonialiste qui propose l’Europe comme étant le berceau des lumières et des droits de l’homme, une vision peu favorable à une investigation de crimes commis par les anciennes puissances coloniales.
Le regard criminologique serait-il donc partiel et biaisé ? Les « crimes » choisis comme objets de recherche, seraient-ce ceux dont l’étude ne risque de remettre fondamentalement en question les institutions étatiques ? Ceci est en tout cas la position du courant décolonial en criminologie. Non seulement les crimes coloniaux sont-ils disqualifiés comme objets d’enquête, mais le regard criminologique porte sur un Autre criminologique, qui tend à être distinct, à tous les niveaux, de celles et ceux représentant le pouvoir hégémonique et la classe dominante.[47] Nous aurions donc à faire à une criminologie orientaliste et altérisante.
Pour leur part, les travaux criminologiques décoloniaux nous proposent d’étudier les contributions du passé et présent colonial à l’occurrence de préjudices sociaux. Ils s’attèlent à étudier les crimes des puissants tels que la corruption ou l’abus de pouvoir dans les sociétés postcoloniales[48], les crimes commis par des colonisateurs dans la répression de l’opposition,[49] les activités de « policing » communautaire et leur impact sur les populations indigènes[50] et les rencontres entre la police et les réfugiés[51], la réaction aux manifestations de femmes afro-américaines en prison[52] et la surreprésentation carcérale des peuples autochtones[53], les bandes de rue adultes[54], les disparitions forcées de femmes et filles indigènes[55], les politiques criminelles[56] ou les violences domestiques[57]. Si les objets et les méthodes rappellent des choix disciplinaires plutôt traditionnels, l’approche se distingue par son appareillage épistémologique et théorique qui met l’accent sur les colonialités et leurs relation avec les préjudices sociaux et les réactions (ou inactions) institutionnelles à leur égard.
3.3. Décoloniser le « corps » criminologique
La question du choix de l’objet criminologique soulève des questions concernant la discipline criminologique elle-même : Qui sont « les criminologues » ? Qui priorise les objets ? Qui à le pouvoir de surveiller les limites disciplinaires? Il s’agit là de questions d’ordre épistémologique, s’intéressant donc à la production de connaissances et au rapport entre le/la chercheur·e et la recherche.
Au niveau international, la criminologie est toujours dominée par des hommes blancs, étasuniens ou européeens. Ce constat tient indépendamment de la métrique choisie : que ce soit le nombre de citations ou de publications,[58] le nombre de contributions aux conférences,[59] ou la présence dans les listes de lecture de cours de criminologie fondamentaux.[60]
Moosavi[61] propose que la criminologie est occidentalocentriste – c’est-à-dire affectée par un ethnocentrisme qui prend l’Occident (Amérique du Nord et Europe occidentale) comme point de départ – pour plusieurs raisons : Premièrement, il y aurait un manque de réflexion sur l’occidentalocentrisme prévalent, en particulier parmi les chercheuses et chercheurs plus adeptes de la criminologie dite « administrative »[62]. Cette dernière tendrait à produire des connaissances statocentristes et orientées pratique, ce qui résulterait en une dominance des approches positivistes. Deuxièmement, les criminologues non-occidentaux seraient souvent éduqués en Occident et entraînés à ne pas remettre en question l’occidentalocentrisme, possiblement dû à des complèxes d’infériorité et une volonté d’être acceptée par le « mainstream » criminologique. Troisièmement, les criminologues non-occidentaux sont souvent restreints par le contexte socio-politique dans lequel ils opèrent et le manque de ressources, ce qui limiterait leur production académique. Quatrièmement, l’usage de langues autres que l’anglais rendrait difficile la prise en compte des connaissances produites par les criminologues non-occidentaux. Cinquièmement, l’environnement compétitif et néolibéral ne serait pas propice à l’innovation théorique ou méthodologique ni à des réflexions fondamentales sur le curriculum. Enfin, des inégalités structurelles telles que le racisme et la xénophobie continuent à exister dans le monde académique et favoriseraient la marginalisation de voix non-occidentales.
Quoi qu’il en soit, il semble que les voix de celles et ceux représentant l’Autre colonial, que ce soit par leur indigénité, leur langue, leur ethnicité, leurs origines ou leur statut social, sont sous-représentés quand il s’agit de produire des connaissances criminologiques susceptibles d’informer des pratiques et politiques en matière de prévention de la délinquance. Cela est d’autant plus préoccupant que c’est précisément cet Autre colonial qui est surreprésenté parmi les recherchés ainsi que parmi celles et ceux susceptibles d’être personnellement concernés par l’action étatique dans le domaine de la sécurité et du crime. Vu son objet de recherche, la discrépance entre le « criminologue-type » et le « criminel-type », entre sujet et objet de la recherche est peut-être plus prononcée que dans d’autres sciences sociales. Cela étant, l’universalisme[63], le quantitativisme[64] et le positivisme[65] dominant la criminologie rendent cette distance épistémique et expérientielle, d’une part, difficilement identifiable (car les causes du « crime » seraient objectivement étudiables et non influencées par l’acte de la recherche lui-même), et d’autre part, souhaitable. Cette distance expérientielle ne permettrait-elle pas justement de maintenir cette illusion d’objectivité, chose qui est probablement moins aisément faisable pour une personne plus proche, expérientiellement parlant, du groupe social recherché ?[66] Si les chercheurs décoloniaux appellent à l’inclusion de voix marginalisées, il faut veiller à ce que cette inclusion ne se fasse de manière a-critique (p. ex., en considérant toute théorie provenant du Sud Global comme étant meilleure qu’une théorie provenant du Nord Global[67]) ni de manière symbolique uniquement.[68]
Conclusion : réaliser le potentiel émancipateur de l’approche décoloniale en criminologie
Les travaux au sein de la criminologie qui ont adopté une approche décoloniale à l’étude du phénomène de la délinquance et du comportement anti-social proposent une lecture non-légaliste du crime, plus axée sur les préjudices sociaux, qui tienne compte des dynamiques et vestiges coloniaux. Ils attèlent à étuder les différentes formes de préjudices sociaux (« social harms »), que ce soit au niveau individuel ou collectif, en employant une grille d’analyse décoloniale historicisante, c’est-à-dire qui songe à intégrer le passé et le présent colonial dans lecture critique du phénomène. Comment le positionnement socio-politique des anciens colonisé·e·s favoriseraient-elle certains comportements préjudicieux ? Comment les logiques colonialistes sont-elles à l’œuvre dans la fabrication de rapports sociaux facilitant les préjudices sociaux, les inégalités de traitement, et les violences plus largement ?
Elle s’intéresse ensuite à la réaction à ces comportements érigés en infractions pénales pour mettre en lumière les liens qui existent entre l’époque coloniale et les institutions de justice pénale ou infra-pénale détenant des pouvoirs régaliens et le monopole de la violence, tels que la police, la prison, les procureurs ou les tribunaux. Ces institutions ont-elles leurs racines dans des contextes de domination coloniale, à l’exemple de la London Metropolitan Police née en Irlande du Nord occupée par l’empire britannique ?[69] Si oui, ont-elles réussi à se défaire de ces liens et si oui, comment ? Si de tels liens concrets n’existent pas, les activités institutionnelles et les réflèxes des agents les représentant seraient-ils encore influencés par des logiques colonialistes érigeant certaines origines et éthinicités en caractéristiques de risque et associant l’Autre non-blanc plus aisément à la dangerosité et à l’illégitimité ?
Enfin, elle s’intéresse à la criminologie en tant que « corps facultaire » pour analyser les dynamiques de pouvoir façonnant la production de connaissances criminologiques qui sont susceptibles d’être traduites d’une manière ou d’une autre en pratiques et politiques de gestion de la déviance et de la délinquance. La criminologie est-elle représentative, comme le laisserait croise sa prétention à l’universalisme ? Est-ce que des voix indigènes, non-blanches, non-hégémoniques sont-elles suffisamment représentées voire écoutées ? Ou sont-elles, à l’inverse, marginalisées et silencées ?
Comme cette brève contribution a essayé de démontrer, la criminologie dite décoloniale dresse un portrait plutôt sombre de l’état actuel de la criminologie et de la justice pénale. Elle argue que la criminologie a contribué à ou du moins bénéficié de la colonisation, continue à à être influencée par des idées et systèmes de valeurs qui ont contribué à la colonisation, marginalise des voix non-hégémoniques et indigènes, esquive la colonisation comme objet criminologique, et fait l’impasse sur le rôle des institutions de contrôle social formel dans le Nord et le Sud Global quant à leurs liens avec d’anciens projets coloniaux, quant aux logiques coloniales informant leurs actions et réflèxes, ainsi qu’à leur tendance à réproduire des hiérarchies colonialistes.
Pour réaliser son potentiel émancipateur, le courant décolonial doit toutefois veiller à éviter certains pièges qui ont été, entre-temps, bien documentés. Il est notamment important de résister à la réification du Sud Global et à la romanticisation des théories ou approches en émanant[70]. Il faut que les travaux décoloniaux nous permettent de mieux comprendre et analyser les dynamiques de pouvoir imbues de logiques coloniales produisant des effets nocifs aujourd’hui, que ce soit dans le Nord Global ou le Sud global. A cet efet, les approches structuralistes s’avèreront plus fécondes que les approches individualistes. Certain·e·s auteur·e·s mettent ensuite en garde contre une simple réduction de la décolonisation à une « métaphore »[71] et à un exercice intellectuel[72] ou à une « re-occidentalisation déguisée en désoccidentalisation ou en décolonialité »[73].
Si elle est inévitablement politique[74], la criminologie décoloniale ne peut pas pour autant être qualifiée d’abolitionniste ni de fataliste. En effet, la plupart des auteur·e·s décoloniaux en criminologie font transparaître une aspiration à la réforme. Comme le rappelle Moosavi, « décoloniser les savoirs passe par l’inclusion et non par exclusion »[75]. Même s’ils remettent fondamentalement en question les institutions de contrôle social formel et leurs impacts nocifs ainsi que la criminologie en soi, sa vision ontologique et son appareillage épistémologique, elles ont des propositions méthodologiques et théoriques sérieuses pour mieux appréhender le phénomène qui nous intéresse, et qui méritent donc d’être écoutées et prises en compte.
[1] Tamari Kitossa, Criminology and colonialism: Counter colonial criminology and the Canadian context. The Journal of Pan African Studies, 4/10 2012, 204-226, cit. p. 208.
[2] Toutes les traductions de citations ont été effectuées par l’auteur.
[3] Biko Agozino, Imperialism, crime and criminology: Towards the decolonisation of criminology. Crime, Law and Social Change, 41/ 2004, 343-358, cit. p. 343.
[4] Biko Agozino, What is criminology? A control-freak discipline!, African Journal of Criminology and Justice Studies, 4/ 2010, 1 ss., cit. p. 2.
[5] Leon Moosavi, Decolonising Criminology: Syed Hussein Alatas on Crimes of the Powerful, Critical Criminology, 27/ 2019, 229–242.
[6] Stanley Cohen, Western Crime Control Models in the Third World: Benign or Malignant?, Dans: S. Spitzer and R. Simon (éds) Research in Law, Deviance and Social Control, Vol. 3, 85-119, Greenwich 1982.
[7] Vincent Monnet/Anton Vos, Colonisation : un passé qui passe mal, Campus N° 91, 2008, Université de Genève, . Consulté via : https://www.unige.ch/campus/files/3214/7246/8278/campus91_dossier3_dossier91.pdf.
[8] Patrick Wolfe, Settler Colonialism and the Elimination of the Native, Journal of genocide research, 8(4), 2006, 387-409.
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[13] Dictionnaire Larousse en ligne, « décoloniser », https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/décoloniser, Consulté le 28.10.2022.
[14] Fabian Klose, Human rights in the shadow of colonial violence: the wars of independence in Kenya and Algeria, Pennsylvania 2013.
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[21] Tuck & Yang, cit. supra; Quijano, cit. supra.
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[29] Rohit Jain, Wege zu einer postkolonialen Demokratie oder: Die Geister der Vergangenheit lassen sich nicht vertreiben, Reclaim Democracy, 2019, 48-57; RTS Info, Suisse et colonialisme, les luttes antiracistes réaniment le débat, version du 01.03.2022, Online : https://www.rts.ch/info/suisse/11404937-suisse-et-colonialisme-les-luttes-antiracistes-reaniment-le-debat.html, consulté le 25.10.2022.
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[33] Carleton University, ICCJ Statement: Actions to Address Issues Related to Settler Colonialism, White Supremacy, and Systemic Racism, 2020, Online: https://carleton.ca/criminology/wp-content/uploads/ICCJ-Statement_-Addressing-Systemic-Racism.pdf, consulté le 25.10.2022.
[34] Une critique importante a été formulée par Kevin Haggerty, Carleton U, the police and the new academic isolationism, publié le 31 août 2020, Online: https://www.universityaffairs.ca/opinion/in-my-opinion/carleton-u-the-police-and-the-new-academic-isolationism/, consulté le 26.10.2022.
[35] Connor Woodman, The Imperial Boomerang: How France used colonial methods to massacre Algerians in Paris, Verso Blog, 18.06.2020, Online: https://www.versobooks.com/blogs/4418-the-imperial-boomerang-how-france-used-colonial-methods-to-massacre-algerians-in-paris. Consulté le 26.10.2022.
[36] Des chiffres sont disponibles pour le contexte étatsunien : Frank Edwards/Hedwig Lee/Michael Esposito, Risk of being killed by police use of force in the United States by age, race–ethnicity, and sex, Proceedings of the National Academy of Sciences 116/34 2019, 16793-16798; Justin Nix et al., A bird’s eye view of civilians killed by police in 2015: Further evidence of implicit bias, Criminology & Public Policy, 16/ 2017, 309-340.
[37] Carlos Hanimann, Der Tote von Morges, Republik, 27.09.2021. Online: https://www.republik.ch/2021/09/27/der-tote-von-morges, Consulté le 26.10.2022; Philippe Reichen/Janine Hosp, Er starb nach Tritten in die Genitalien, Tages Anzeiger, 03.06.2020, Online: https://www.tagesanzeiger.ch/er-starb-nach-tritten-in-die-genitalien-389063126382, Consulté le 26.10.2022.
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[43] Ciocchini/Greener, cit. supra.
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[61] Moosavi, cit. supra.
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[67] Ciocchini/Greener, cit. supra.
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[70] Ciocchini/Greener, cit. supra.
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[72] Leon Moosavi, The decolonial bandwagon and the dangers of intellectual decolonisation, International Review of Sociology, 30/22020, 332-354.
[73] Walter D. Mignolo, Spirit out of bounds returns to the East: The closing of the social sciences and the opening of independent thoughts, Current Sociology, 62/4 2014, 584-602, cit. p. 589.
[74] Antje Deckert/Juan M. Tauri, Editorial: Inaugural issue, Decolonization of Criminology and Justice, 1/ 2019, 1-4.
[75] Moosavi, 2019, cit. supra, p. 235.
Ce texte a été publié dans les Actes du congrès du Groupe suisse de criminologie 2022. Ci-après le PDF du chapitre publié.