Cette contribution analyse les procédures pénales ayant trait au terrorisme djihadiste conduites devant le Tribunal pénal fédéral depuis sa création. Il s’est agi d’établir les faits ayant donnés lieu à une poursuite judiciaire, puis leurs conséquences. Il apparaît que le droit pénal couvre déjà l’intégralité de l’éventail d’actes qui pourraient être considérés comme faisant partie d’une mobilisation pour un groupe terroriste djihadiste, jusqu’à réprimer toute expression de sympathie dans l’espace numérique. Cette étude fournit ainsi de nouvelles connaissances sur le phénomène en Suisse et questionne la pertinence des mesures policières de lutte contre le terrorisme.
Dieser Beitrag behandelt die Strafverfahren im Zusammenhang mit jihadistischem Terrorismus, welche vor Bundesstrafgericht seit seiner Gründung geführt wurden. Analysiert werden die Handlungen, die zu einem Strafverfahren führten sowie deren Folgen. Der Beitrag verdeutlicht, dass das Strafrecht bereits die Gesamtheit der möglichen Handlungen abdeckt, welche mit einer Mobilisierung für eine jihadistische Gruppierung in Verbindung gebracht werden könnten, einschliesslich jeglicher Sympathiebekundung im elektronischen Raum. Dadurch liefert diese Studie neue Erkenntnisse über das Phänomen in der Schweiz und hinterfragt die Pertinenz zusätzlicher polizeilich-präventiver Massnahmen für die Terrorismusbekämpfung.
Alors que le peuple suisse est appelé à se prononcer le 13 juin 2021 sur le référendum contre les mesures policières de lutte contre le terrorisme[1], ce dernier phénomène est identifié comme posant une « menace […] élevée » selon le Service de renseignement de la Confédération (SRC)[2]. La Suisse n’a pour l’heure pas connu d’attentat comme en ont vécu notamment la France et l’Allemagne cette dernière décennie[3], mais le phénomène n’y est pas inexistant. Au mois de novembre 2020, le SRC dénombrait en effet 49 « personnes à risque » représentant « une menace prioritaire pour la sécurité intérieure et extérieure de la Suisse » ; il repérait également à cette date, dans le cadre de son « monitoring du djihad », 690 personnes depuis 2012 – soit 20 de plus par rapport à mai 2020 – qui, sur Internet et en particulier les réseaux sociaux, témoignent d’une sympathie pour des organisations terroristes djihadistes en diffusant de la propagande y relative ou en s’entretenant avec des personnes défendant l’idéologie de ces groupes[4]. Depuis l’année 2001 marquant le début de la « guerre contre le terrorisme » ensuite des attentats du 11 septembre, ce sont 92 « voyageurs du djihad » qui ont quitté la Suisse pour gonfler les rangs d’une organisation terroriste sur son théâtre d’opérations en Afghanistan, au Pakistan, au Yémen, en Somalie, en Syrie et en Irak[5]. Certaines personnes en sont revenues, alors que d’autres, aujourd’hui détenues par des forces kurdes en Syrie, cherchent à être rapatriées, mais se heurtent à la stratégie du Conseil fédéral qui se refuse à agir « activement », sans interdire le retour des ressortissants suisses[6]. Celle-ci a tout récemment été fortement critiquée par l’ONU[7]. Ces différents chiffres se répercutent sur le terrain du droit pénal, car ils se rapportent à des comportements d’individus qui, pour certains d’entre eux, déclenchent son application. Ainsi, le Ministère public de la Confédération (MPC) fait état dans son Rapport de gestion 2020 de 35 « enquêtes pénales pendantes » pour « terrorisme » en 2016, 34 en 2017, 30 en 2018, 31 en 2019 et 26 en 2020[8].
C’est donc dans le contexte des attentats perpétrés ces dix dernières années dans des pays voisins et du développement de la guerre en Syrie et en Irak que la Suisse a décidé de renforcer son arsenal politique et juridique pour répondre à la menace terroriste. En particulier, l’Assemblée fédérale a adopté au mois de septembre 2020 deux projets de loi anti-terroristes. Le premier[9] consacre dans la loi la jurisprudence selon laquelle l’art. 260ter du Code pénal[10] englobe non seulement les organisations criminelles, mais aussi les organisations terroristes[11], ce que la nouvelle mouture de l’incrimination prévoira expressément, aux côtés d’un nouvel art. 260sexies CP sur le recrutement, la formation et le voyage en vue d’un acte terroriste[12]. Ces infractions entreront en vigueur le 1er juillet 2021[13]. Évoqué dans les premières lignes, le second projet se rapporte donc aux mesures policières pour les « terroristes potentiels » n’ayant commis aucune infraction, mais chez qui des « indices concrets et actuels » laissent présumer qu’ils pourraient mener des « activités terroristes » (art. 23e pLMSI[14]). Ces mesures comprennent l’obligation de se présenter et de participer à des entretiens (art. 23k pLMSI), l’interdiction de contact (art. 23l), l’interdiction géographique (art. 23m) et de quitter le territoire (art. 23n) et l’assignation à résidence (art. 23o)[15].
Critiquée de part et d’autre et notamment dans une lettre ouverte d’environ 60 Professeurs des universités suisses[16], la Loi sur les mesures policières de terrorisme a été élaborée dans l’idée que « la police ne peut en principe intervenir que si une infraction a déjà été commise » et qu’elle constituerait la « base légale permettant à la police d’agir plus facilement à titre préventif »[17]. Or le dispositif pénal, déjà avec les incriminations existantes, à l’instar des art. 260ter et 260bis (actes préparatoires délictueux) CP, couplée aux infractions nouvelles adoptées et qui entreront bientôt en vigueur, remonte très loin en amont sur l’iter criminis[18], permettant dès lors aux autorités de poursuite pénale de faire usage des mesures de contrainte (art. 196 ss du Code de procédure pénale[19]) d’autant plus tôt. Dans ce débat, il semble donc régner un manque de clarté concernant l’aptitude du droit pénal à écarter la menace terroriste en Suisse.[20]
Avec cette contribution, nous souhaitons dès lors apporter un éclairage au sujet de l’appréhension judiciaire pénale du terrorisme djihadiste en prenant l’année 2004 pour dies a quo, année de création du Tribunal pénal fédéral, et l’année 2020 pour dies ad quem, puisque la présente année n’est pas close. Cela permettra de mettre en lumière sur une période de plus de quinze ans la phase ultime de l’« entonnoir pénal »[21] par la présentation des comportements ayant donné lieu à une poursuite pénale, leur qualification juridique et, cas échéant, leur sanction. Une telle analyse apportera ainsi de nouvelles connaissances non seulement sur le terrorisme djihadiste tel qu’il s’exprime en Suisse, mais également sur la façon dont les autorités de poursuite et de jugement y font face, tout en permettant d’enrichir les débats concernant la nécessité des mesures policières de lutte contre le terrorisme sur lesquelles le peuple est appelé à se prononcer.
Pour ce faire, nous nous concentrerons sur le résultat des procédures pénales portées devant le Tribunal pénal fédéral (TPF), car la juridiction est fédérale en ce qui concerne les infractions liées au terrorisme (art. 24 al. 1 CPP ; art. 2 al. 3 Loi Al-Qaïda et Etat islamique[22]). Les quelques procédures ouvertes par les autorités de poursuite cantonales sont en effet reprises par le MPC, puis jugées par le TPF, à l’exception de celles relatives aux mineurs[23]. Les cas jugés par le TPF sont a priori les affaires les plus graves, dans la mesure où la procédure de l’ordonnance pénale ne permet de sanctionner une personne que d’une peine privative de liberté de six mois au plus (art. 352 al. 1 let. d CPP)[24]. Cela étant, certaines procédures en matière de terrorisme sont closes par une ordonnance de classement (art. 319 ss CPP) ou pénale, mais nous n’en discuterons qu’en conclusion, compte tenu de l’étendue limitée de la présente contribution.
Après avoir présenté notre méthodologie (II.), nous présenterons des statistiques relatives à ces procédures pénales, dont le nombre de personnes accusées, condamnées ou acquittées, les infractions retenues et les recours (III.). Il s’agira par la suite d’analyser la jurisprudence et plus précisément la portée des art. 260ter CP et 2 LAQEI, pour mettre ensuite en exergue le rôle que joue l’art. 135 CP sur la représentation de la violence dans la répression du terrorisme en pratique (IV.), en terminant l’analyse avec des remarques conclusives. (V.).
Pour mener cette recherche, tous les arrêts du TPF disponibles sur son site Internet et relatifs aux art. 260ter CP et 2 LAQEI ont été identifiés, ainsi que ceux du Tribunal fédéral (TF) s’y référant. Le choix de ces deux infractions repose sur le fait qu’elles entrent systématiquement en jeu pour les autorités lorsqu’il est question du terrorisme djihadiste. Pour affiner la recherche, d’autres arrêts ont été identifiés à l’aide des mots-clés « al-qaida », « al-kaida », « Islamischer Staat », « Etat islamique », « djihad », « jihad », « dschihad », « terror », « islamis* », mais aussi « RS 122 », « SR 122 », « Bundesgesetzes über das Verbot der Gruppierungen » ou encore « Al-Qaïda/IS-Gesetz », car la LAQEI n’est malheureusement pas citée de manière uniforme par la jurisprudence. Les informations les plus pertinentes ont été extraites de ces arrêts et ordonnées, à savoir notamment celles concernant le comportement faisant l’objet d’une poursuite pénale, la personne accusée, les mesures de contrainte et les sanctions.
Si les décisions des autorités judiciaires fédérales sont librement accessibles sur Internet, il en va autrement pour les ordonnances pénales, les ordonnances de classement, les ordonnances de non-entrée en matière et les actes d’accusation du MPC, mais aussi les décisions des autorités cantonales[25]. Ainsi, nous avons formulé plusieurs demandes d’accès à ces documents anonymisés, par courriel ou par écrit, au MPC, au TPF, mais aussi aux autorités cantonales des cantons de Zurich et de Genève.
Pour les ordonnances pénales, de classement et de non-entrée en matière, le MPC a édicté des lignes directrices générales au sujet des « demandes de consultation et de renseignements » concernant de tels documents, ainsi que des « règles spéciales […] dans le domaine du terrorisme ». Le MPC ne communique ces documents que « sous une forme anonymisée », en examinant toute demande « de cas en cas et après consultation de la direction de la procédure » et en ne répondant plus « aux demandes sans objet précis visant à récolter des informations générales »[26]. Suite à une demande formulée de manière générale, précisée ultérieurement en mentionnant spécifiquement plusieurs infractions, le MPC nous a accordé l’accès à onze (11) ordonnances pénales et de classement qui avaient été transmises aux professionnels des médias. Pour obtenir d’autres décisions, nous avons dû croiser les informations parues dans la presse, dans la jurisprudence du TPF, mais aussi du Tribunal administratif fédéral (TAF) ou encore d’un document de la Mission permanente de la Suisse auprès de l’ONU. Fastidieux et pénible, ce processus nous a tout de même permis de formuler de nouvelles demandes et cinq (5) autres décisions supplémentaires nous ont été transmises.
S’agissant des actes d’accusation, le MPC nous a renvoyé au TPF. Le 21 août 2020, une demande a été adressée à cette dernière autorité pour obtenir l’acte d’accusation de la cause SK.2019.71. Il n’y a été répondu par la négative que le 6 novembre 2020, soit quatre jours après les attentats survenus à Vienne qui ont été évoqués pour justifier le refus, le timing pouvant laisser songeur.
Auprès des juridictions pénales des mineurs enfin, le Tribunal des mineurs de Winterthour nous a communiqué deux jugements concernant deux individus[27]. L’une de ces décisions a fait l’objet d’un appel devant le Tribunal cantonal de Zurich, dont l’arrêt n’a pas été publié sur le site Internet de cette autorité. Cette dernière, dans une décision formelle, mais sans indication aucune des voies de recours, a refusé l’accès à cet arrêt, au motif que la procédure concernait une mineure, alors même que le jugement de l’autorité inférieure avait été transmis et résumé dans une revue juridique. Enfin, le Tribunal des mineurs de Genève a également refusé l’accès à un jugement de condamnation, dans une affaire qui avait au préalable fait l’objet d’un arrêt du Tribunal fédéral[28], parce que, le jugement étant frappé d’appel, il risque d’être annulé.
La pratique des diverses autorités impliquées soulève des questions fondamentales à la lumière du principe de la publicité de la justice consacré par l’art. 30 al. 3 Cst.[29], 6 CEDH[30] et concrétisé par l’art. 69 CPP, mais aussi par rapport à la liberté de la science (art. 20 Cst.). En effet, il est apparu que le statut de chercheuse et chercheur du monde académique agissant dans le cadre de leurs recherches scientifiques n’est nullement pris en compte par les autorités et qu’il leur est accordé un accès similaire à celui de tout justiciable, c’est-à-dire moindre que celui dont bénéficient les professionnels des médias.
Depuis 2004 et jusqu’à 2020, le TPF a jugé au total quinze (15) procédures pénales relatives à des affaires de terrorisme djihadiste. Parmi celles-ci, le jugement à l’encontre des personnes reconnues coupables dans la cause SK.2019.71 n’a pas encore été publié pour l’heure, mais il le sera à la fin du mois de mai 2021 selon les informations transmises par ce tribunal[31]. La grande majorité de ces procédures a eu lieu dans le contexte de la dernière décennie d’attentats sur sol européen du terrorisme djihadiste ensuite de l’expansion territoriale de l’organisation État islamique qui a atteint son apogée en juin 2014. À titre de comparaison, trois (3) procédures ont été conduites devant le TPF entre 2004 et 2014 avec onze (11) personnes formellement mises en accusation cette période durant, alors qu’il y a eu douze (12) procédures et dix-huit (18) personnes jugées par le TPF entre 2014 et 2020.
La langue de la procédure a été l’allemand dans onze (11) des procédures conduites à Bellinzone, alors que le français et l’italien l’ont été respectivement à deux (2) reprises.
Ces procédures sont relativement complexes, ce qui se reflète dans la durée de la procédure préliminaire, ainsi que dans leurs coûts. En moyenne, 882 jours, soit près de 2.5 ans, se sont écoulés entre l’ouverture de la procédure pénale contre une personne prévenue et sa mise en accusation. Les coûts directs de ces procédures – c’est-à-dire les frais judiciaires, les émoluments et les débours de la procédure préliminaire menée par le MPC, ainsi que les frais et les émoluments du tribunal et de la défense – se sont élevés à un total d’environ CHF 3’500’000. La procédure la plus chère a coûté un peu moins de CHF 800’000.-[32] et la moins chère environ CHF 17’000.-[33].
Quatorze (14) procédures ont été conduites selon les règles de procédure (ordinaire) de première instance et une (1) seule selon celles de la procédure simplifiée[34]. Dans trois (3) procédures, une ordonnance pénale a été prononcée par le MPC et la personne prévenue l’a contestée, ce qui a débouché sur un procès devant le TPF[35]. Le MPC a donc engagé l’accusation devant le TPF dans douze (12) procédures. En outre, dans quatre (4) procédures parmi les quinze, le TPF a d’abord décidé de renvoyer l’acte d’accusation au MPC qui l’a complété, puis soumis à nouveau à l’autorité de jugement[36].
Vingt-neuf (29) personnes au total ont comparu devant le TPF. Cela signifie que dans plusieurs procédures – six (6) exactement – plusieurs personnes ont été mises en accusation. Plus précisément, trois (3) procédures impliquaient deux (2) personnes[37], alors qu’il a été question dans les trois (3) autres procédures restantes de trois (3) personnes[38], de quatre (4) personnes[39] et dans la dernière de sept (7) personnes[40]. Dans chacune des neuf (9) autres procédures restantes, une (1) seule personne faisait l’objet d’une mise en accusation.
Vingt-sept (27) prévenus étaient des hommes, tandis qu’une (1) femme était prévenue en qualité de co-auteure[41] et une (1) autre au titre d’auteure principale[42]. Neuf (9) prévenus étaient des ressortissants suisses, dont cinq (5) des binationaux. Parmi ceux-ci, un (1) binational turco-suisse a fait l’objet d’un retrait de nationalité (art. 42 LN[43])[44] qu’il a contesté ; la cause est pendante devant le TAF selon des informations obtenues auprès du Secrétariat d’État aux Migrations (SEM). Neuf (9) prévenus détenaient une autorisation de séjour ou d’établissement. Dix (10) prévenus étaient des demandeurs d’asile : la demande d’asile était soit pendante pour sept (7) d’entre eux soit rejetée pour trois (3) personnes qui avaient été admises à titre provisoire (art. 83 LEI). Une (1) prévenue n’avait jamais résidé en Suisse, mais y séjournait lors de son interpellation.
Vingt-trois (23) prévenus présentaient un casier judiciaire vierge. Les six (6) autres prévenus avaient été condamnés pour des comportements divers réprimés par la Loi sur la circulation routière[45] pour trois (3) d’entre eux, la Loi sur les armes[46] pour un (1) prévenu, ainsi que pour violation d’une obligation d’entretien (art. 217 CP) pour un (1) autre prévenu. Enfin, un (1) des prévenus avait été condamné à plusieurs reprises pour entrée illégale (art. 115 LEI), menaces (art. 180 CP) et contrainte (art. 181).
Dix-huit (18) des prévenus étaient au chômage et dépendaient de l’aide sociale au moment du jugement. Cinq (5) prévenus n’avaient pas de revenu imposable et étaient endettés. En outre, trois (3) prévenus avaient un emploi et un revenu mensuel régulier au moment du jugement. Finalement, la situation économique des trois (3) derniers prévenus est inconnue.
Vingt (20) des prévenus ont été détenus à titre provisoire pendant un jour au moins. En moyenne, la durée de la détention provisoire ou pour motifs de sûreté a été de 325 jours, soit environ onze (11) mois (médiane: 285 jours, soit 9.5 mois). La plus longue période de détention entre l’ouverture de la procédure et le jugement de première instance a été de 1246 jours, soit 3 ans et 5 mois environ[47] et la plus courte d’un jour[48].
Cinq (5) prévenus n’ont pas été libérées avant l’issue du jugement. Les quinze (15) prévenus remis en liberté avant le jugement se sont vu imposer des mesures de substitution (art. 237 CPP) : il s’agissait notamment de la saisie des documents d’identité et autres documents officiels, de l’obligation de se présenter et l’obligation de se soumettre à un contrôle de la police allant jusqu’à permettre l’accès en tout temps au logement, au véhicule et aux ressources informatiques.
Dans un premier temps, le TPF a reconnu coupable vingt-cinq (25) personnes et en a acquitté quatre (4) autres. Quinze (15) de ces verdicts ont été contestés devant le TF par la voie du recours : à treize (13) reprises contre des jugements de condamnation par les personnes reconnues coupables et condamnées et à deux (2) reprises par le MPC contre des jugements acquittant des personnes poursuivies[49].
Six (6) recours ont été rejetés par le TF[50]. Ce dernier en a partiellement admis trois (3) émanant de personnes condamnées par le TPF et lui a renvoyé la cause: dans deux (2) cas, l’annulation du jugement de l’autorité inférieure avait trait à la sanction imposée[51] et dans un (1) cas la condamnation pour le chef de violation de l’art. 23 al. 2 LSEE[52] a été annulée et la cause renvoyée pour nouveau jugement[53]. À une (1) reprise, le TF a admis le recours d’une personne condamnée dans sa totalité[54]. Quant au deux (2) recours du MPC, ils ont été admis par le TF qui a renvoyé la cause au TPF. Trois (3) recours contre des jugements de condamnation du TPF sont encore pendants devant le TF[55].
Dans six (6) cas au total, le TPF a donc dû juger les personnes accusées une seconde fois. Les six (6) personnes ont toutes été reconnues coupables. Contre ces seconds jugements de condamnation, quatre (4) personnes ont recouru devant le Tribunal fédéral[56]. Un (1) de ces recours a été rejeté par le TF[57], confirmant ainsi la culpabilité reconnue par le TPF, et trois (3) recours contre le deuxième jugement de condamnation sont toujours pendants.
Au total, vingt-sept (27) personnes ont été reconnues coupables par le TPF après un premier ou un second jugement et deux (2) personnes ont été définitivement acquittées de tous les chefs d’accusation. Il existe à la date du 27 avril 2021 vingt-et-une (21) condamnations définitives et exécutoires et autant de personnes reconnues coupables. Parmi celle-ci, six (6) personnes n’ont finalement pas été reconnues coupables en relation à des infractions relatives au terrorisme. En conséquence, à ce jour, il y a quinze (15) personnes dont la culpabilité a définitivement été reconnue pour des infractions en lien avec le terrorisme djihadiste depuis 2004.
Figure 1: Evolution des cas portés devant le TPF (2004-2020)
Parmi les vingt-sept (27) personnes condamnées (vingt-une [21] condamnations définitives et six [6] pendantes), des peines privatives de liberté ont été prononcées dans vingt-deux (22) cas, avec en sus une peine pécuniaire dans quatre (4) de ces cas. Neuf (9) des peines privatives de liberté ont été prononcées avec sursis et trois (3) avec un sursis partiel, ce qui signifie que dix (10) peines privatives de liberté fermes ont été infligées. Dans cinq (5) cas, le TPF a uniquement prononcé des peines pécuniaires, dont deux (2) avec sursis.
La peine la plus clémente infligée a été une peine-pécuniaire de 25 jours-amende, à CHF 100.- le jour, avec sursis[58]. La sanction la plus sévère a été une peine privative de liberté de 70 mois, couplée à une expulsion et une interdiction d’entrée sur le territoire d’une durée de 15 ans[59].
Dans vingt-trois (23) cas, le TPF a condamné les personnes prévenues à des peines plus légères que ce qu’avait requis le Ministère public de la Confédération et dans trois (3) cas à des sanctions plus sévères. Dans trois (3) cas, le TPF a suivi le réquisitoire du MPC.
Les prévenus reconnus coupables ont également été condamnés à payer les frais de procédure compris entre CHF 2’000.- et 152’000.- (moyenne: CHF 18’613.-; médiane: CHF 7’160.-). Six (6) prévenus ont touché des indemnités ensuite d’un acquittement complet ou partiel variant entre CHF 1’000.- et 93’000.- (moyenne: CHF 29’182; médiane: CHF 18’000.-).[60]
Depuis 2004, aucun acte de terrorisme ou aucun acte de violence motivé par le terrorisme djihadiste n’a été commis sur sol suisse et porté devant le TPF. À cet égard, il y a toutefois lieu de relever que l’instruction relative aux attaques de Morges (septembre 2020) et de Lugano (novembre 2020) est toujours en cours et que l’issue de ces procédures pourrait changer ce constat.
Pour l’heure, les comportements qui ont fait l’objet d’une poursuite en relation au terrorisme djihadiste avaient essentiellement trait à des activités sur des plateformes Internet. En effet, deux (2) procédures impliquant quatre (4) personnes au total concernaient l’exploitation de sites Internet sur lesquels figuraient du matériel de propagande, à l’instar de photos et de vidéos, ainsi que de commentaires glorifiant les chefs des organisations terroristes djihadistes principales comme Oussama Ben Laden[61]. Trois (3) personnes ont récemment été condamnées en relation à la production d’un entretien filmé avec un rebelle djihadiste dans le conflit syrien[62]. Dans le cas de quatre (4) personnes, le TPF a retenu que leurs activités sur internet servaient à maintenir un réseau lié à une organisation terroriste[63].
Pour neuf (9) personnes condamnées, les comportements qui leur étaient reprochés se limitaient exclusivement à des activités sur les réseaux sociaux tels que Facebook, YouTube et les applications de messagerie comme WhatsApp et Telegram, consistant dans l’envoi et/ou le partage de vidéos, d’images et de commentaires[64].
Les activités dans le monde virtuel et électronique apparaissent comme étant la règle, tandis que celles dans le monde réel constituent l’exception. Dans une (1) procédure impliquant quatre (4) personnes, la procédure a été ouverte pour des soupçons relatifs à un potentiel attentat, mais en bout de course les personnes impliquées n’ont été condamnées que pour leurs activités sur les réseaux sociaux[65]. Il était en outre reproché à deux (2) personnes d’avoir tenté de voyager en direction du territoire syro-irakien pour rejoindre l’EI[66]. Outre des activités sur les réseaux sociaux, le principal prévenu dans la cause SK.2019.71 et le seul accusé dans la cause SK.2017.39 ont été condamnés pour avoir recruté des personnes pour des organisations terroristes ou pour les avoir aidés à voyager à l’étranger aux fins de rejoindre une telle organisation sur le théâtre de ses opérations. Dans la cause SK.2020.11 enfin, le prévenu a été condamné pour avoir entretenu des contacts avec des personnes à l’étranger affiliées à des organisations terroristes, mais aussi pour avoir encouragé une personne dans sa volonté de mener une attaque contre le Hezbollah ou l’armée américaine.
Les deux principales infractions utilisées pour la répression des activités relatives au terrorisme djihadistes sont l’art. 260ter CP et l’art. 2 al. 1 LAQEI. Au total, vingt-et-une (21) personnes ont été condamnées pour une des deux infractions : dans douze (12) cas pour l’art. 260ter CP et dans onze (11) pour l’art. 2 LAQEI, avec deux (2) cas pour les deux infractions. Ce concours entre ces deux infractions pour ces deux cas s’explique par le fait que les comportements reprochés avaient eu lieu avant et après le 1er janvier 2015[67], date d’entrée en vigueur de la LAQEI qui est une lex specialis et qui prime l’art. 260ter CP, contrairement à l’Ordonnance Al-Qaïda qui prévoyait une réserve en faveur des « dispositions pénales plus sévères ». Dans la cause SK.2020.11, c’est toutefois l’art. 260ter CP qui a été utilisé pour permettre des mesures de surveillance secrètes, puisque l’art. 2 LAQEI ne figure pas au catalogue des infractions prévu par l’art. 269 al. 2 CPP.
Pour sept (7) personnes, la variante de « soutien » à l’organisation criminelle (art. 260ter ch. 1 al. 2 CP) a été retenue, tandis que la variante de la « participation » (ch. 1 al. 1) n’a été retenue que pour quatre (4) personnes. Par rapport à l’art. 2 al. LAQEI, la variante de l’« organisation d’actions de propagande » est retenue pour neuf (9) personnes, celle de la « mise à disposition de ressources personnelles » pour une personne et la variante de « l’encouragement de toute autre manière » pour une autre personne.
Dans neuf (9) cas, l’art. 135 CP sur la « représentation de la violence » est également retenu, dont cinq (5) fois dans sa variante de la « possession » (al. 1bis).
D’autres infractions ont également été retenues dans treize (13) cas en relation avec les infractions précitées. Il s’agissait à une (1) reprise de l’art. 226 CP (Fabrication, dissimulation, transport d’explosifs ou de gaz toxiques), à une (1) reprise également de l’art. 259 CP (Provocation publique au crime ou à la violence), de l’art. 252 CP (Faux dans les certificats) à une (1) reprise, de l’art. 95 LCR dans un cas, à deux (2) reprises de l’art. 251 CP (Faux dans les titres), et des art. 115 et 116 LEI, ou leurs prédécesseurs dans la LSEE (Entrée, sortie et séjours illégaux) pour neuf (9) personnes.
Tableau 1: Récapitulatif des arrêts TPF (2004-2020)
Individu | Arrêts | Qualification juridique retenue | Faits retenus | Sanction |
1 | TPF SK.2006.15_B du 3 janvier 2007 | Art. 23 al. 1 LSEE Art. 23 al. 2 LSEE | Membre d’un réseau international favorisant la délivrance de visas illégaux à des yéménites pour leur permettre de déposer des demandes d’asile en Suisse sous fausses identités; ledit réseau ne constitue pas une organisation criminelle, car pas commission de crimes. Liens avec Al-Qaïda non retenus. | PPL 11 moisPPéc 30 j.-a. |
2 | TPF SK.2006.15_B du 3 janvier 2007 | Soutien logistique au réseau par l’hébergement de personnes, mais aucune intention ne peut être retenue. Liens avec Al-Qaïda non retenus. | Acquittement de tous les chefs d’accusation | |
3 | TPF SK.2006.15_B du 3 janvier 2007 | Art. 23 al. 1 LSEE Art. 23 al. 2 LSEE | Contribution informatique au réseau. Liens avec Al-Qaïda non retenus. | PPéc 30 jours (couverte par DP) |
4 | TPF SK.2006.15_B du 3 janvier 2007 | Art. 23 al. 2 LSEE Art. 252 CP | Fabrication de faux documents d’identité pour le réseau. Liens avec Al-Qaïda non retenus. | PPL 8 moisPPéc 30 j.-a. |
5 | TPF SK.2006.15_B du 3 janvier 2007; TF 6B_215/2007 du 2 mai 2008; TPF SK.2008.9 du 10 août 2009;TF 6B_745/2009 du 12 novembre 2009 | Art. 23 al. 2 LSEE | Soutien logistique au réseau par l’accueil et l’hébergement de personnes. Liens avec Al-Qaïda non retenus. | PPL 9 moisPPéc 30 j.-a. |
6 | TPF SK.2006.15_B du 3 janvier 2007 | Art. 23 al. 2 LSEE | Favorisation de l’entrée illégale et du séjour illégal en Suisse (détaché du réseau). Liens avec Al-Qaïda non retenus. | PPéc 45 j.-a. |
7 | TPF SK.2006.15_B du 3 janvier 2007 | Art. 23 al. 1 LSEE Art. 23 al. 2 LSEE | Soutien logistique au réseau par la facilitation de l’entrée illégale et du séjour illégal de personnes sous de fausses identités; déposé lui-même une demande d’asile sous une fausse identité. Liens avec Al-Qaïda non retenus. | PPéc 90 j.-a. |
8 | TPF SK.2007.4 du 21 juin 2007; TF 6B_645/2007 du 2 mai 2008 | Art. 260ter ch. 1 al. 2 CP Art. 259 CP Art. 135 CP Art. 226 al. 3 CP | Création de six (6) sites web destinés à diffuser du matériel de propagande du groupe Al-Qaïda (revendications d’attentats, vidéos, images, instructions pour fabrication de bombes) réunissant des membres de groupes djihadistes; rôle de « content provider »; toléré des messages incitant à la violence; incitation à la violence contre des journalistes français pris en otages. Soutien. | PPL 2 ans, dont 6 fermes, avec sursis pendant 3 ans |
9 | TPF SK.2007.4 du 21 juin 2007; TF 6B_650/2007 du 2 mai 2008 | Art. 260ter ch.1 al. 2 CP Art. 135 CP (art. 25 CP) | Modératrice du forum de deux sites web, dont l’un hébérgeant une vidéo de Ayman Al-Zawahiri (Al-Qaïda); rôle de « content provider »; posté des liens vers des vidéos de massacres. Soutien. | PPL 12 mois avec sursis pendant 3 ans |
10 | TPF SK.2013.39 du 2 mai 2014;TF 6B_57/2015 du 27 janvier 2016 | Art. 260ter ch. 1, al. 2, CP Art. 251 ch. 1 al. 3 CP | Membre d’un groupe djihadiste associé avec Al-Qaïda (ZDNAA) ; établissement du groupe par des activités sur Internet ; la mise en circulation de matériel de propagande sur un site web. Soutien. | PPL 3 ans et 3 mois |
11 | TPF SK.2013.39 du 2 mai 2014;TF 6B_81/2015 du 27 janvier 2016 | Art. 260ter ch. 1 al. 2 CP Art. 251 ch. 1 al. 3 | Reçoit des instructions de la part du premier accusé concernant la modération du site web (forums); fait partie du groupe ZDNAA. Soutien. | PPL 2 ans avec sursis pendant 3 ans |
12 | TPF SK.2015.45 du 18 mars 2016;TF 6B_1132/2016 du 7 mars 2017;TPF SK.2017.10 du 30 octobre 2017 | Art. 260ter ch. 1 al. 1 CP Art. 116 al. 1 lit. a LEI | Contacts avec des membres d’un groupe djihadiste en Syrie et considéré comme « activiste, coordinateur et logisticien » pour le groupe. Participation. | PPL 3 ans et 8 mois |
13 | TPF SK.2015.45 du 18 mars 2016 | Art. 260ter ch. 1 al. 2 CP Art. 116 al. 1 lit. a LEI | Création d’un compte sur Facebook et envoi de demandes d’amitié à des sympathisants djihadistes autour du monde et, par là, mise en réseau et soutien de groupe djihadiste. Soutien. | PPL 3 ans et 6 mois |
14 | TPF SK.2015.45 du 18 mars 2016;TF 6B_1104/2016 du 7 mars 2017;TPF SK.2017.10 du 30 octobre 2017 | Art. 260ter ch. 1 al. 1 CP Art. 115 al. 1 lit. bLEI | Contacts avec des membres d’un groupe djihadiste en Syrie; voyagé en Suisse pour soutenir l’EI dans ses activités. Participation. | PPL 3 ans et 6 mois |
15 | SK.2015.45 du 18 mars 2016 | Soutien à l’EI à travers des activités sur Facebook. Non-démontré. | Acquittement de tous les chefs d’accusation | |
16 | TPF SK.2016.9 du 15 juillet 2016; TF 6B_948/2016 du 22 février 2017 | Art. 2 al. 1 LAQEI | Arrêté à l’aéroport après avoir franchi la porte d’embarquement pour prendre un avion vers la Turquie; intention de rejoindre le territoire syro-irakien et les rangs de l’EI; glorifié des attentats par WhatsApp; contacts avec des personnes en Suisse qui ont fini par rejoindre le territoire syro-irakien. Encouragement de toute autre manière. | PPL 18 mois avec sursis pendant 3 ans |
17 | TPF SK.2017.39 du 18 août 2017 (Procédure simplifiée) | Art. 2, al. 1 et 2, LAQEI | Prosélytisme; encouragement à soutenir l’EI et partir combattre; partage de la propagande; facilite le voyage de deux personnes en zone de guerre syro-irakienne. Soutien. | PPL 2 ans et 6 mois, dont 6 fermes, avec sursis pendant 3 ans |
18 | TPF SK.2017.43 du 15 décembre 2017 | Art. 2, al. 1 et 2, LAQEI (art. 22 CP) | Voyage depuis l’Egypte via la Crète pour rejoindre le territoire syro-irakien; intention de vivre dans l’EI. Tentative de mise à disposition de ressources humaines. | PPL 18 mois, dont 6 fermes, avec sursis pendant 3 ansObligation de se soumettre à un suivi de probation et à un traitement psychologique |
19 | TPF SK.2018.52 du 12 octobre 2018 (Renvoi au MPC); TPFSK.2019.23 du 15 juillet 2019 | Art. 260ter ch. 1 al. 2 CP Art. 2 al. 1 LAQEI Art. 135 al. 1bis CP | Partagé 8 publications sur Facebook contenant de la propagande pour l’EI; partagé sur un autre site web une vidéo et 11 photos qui glorifient le djihad armé. Soutien; organisation d’actions de propagande; possession. | PPL 7 moisPPéc 40 j.-a. |
20 | TPF SK.2019.63 du 18 décembre 2019 (Suite à une ordonnance pénale) | Art. 260ter ch. 1 al. 2 CP Art. 2 al. 1 LAQEI Art. 135 al. 1bis CP | Partagé 8 publications (images, vidéos, commentaires) faisant de la propagande pour l’EI; possession de 13 vidéos/images qualifiées de représentations de la violence. Soutien; organisation d’actions de propagande; possession. | PPL 5 mois avec sursis pendant 2 ans |
21 | TPF SK.2019.38 du 26 juin 2020 (Suite à une ordonnance pénale) | Art. 2 al. 1 LAQEI Art. 135 al. 1bis CP | Publié une photo sur Facebook montrant les infrastructures de l’EI dans une lumière positive; publié un commentaire en réponse à un post sur l’exécution d’un pilote de manière acritique. Possession de deux photos, reçues par WhatsApp et sauvegardées dans le cache du téléphone, constituant des représentations de violence. Organisation d’actions de propagande; possession. | PPéc 25 j.-a. avec sursis pendant 2 ans |
22* | TPF SK.2020.11 du 8 octobre 2020 | Art. 260ter ch. 1 al. 1 CP Art. 135 al. 1 CP Art. 95 al. 1 lit. c LCR | Fait partie d’un réseau international lié à l’EI; contacts avec des membres de l’EI sur internet; envoi d’environ USD 7’500.- sous forme de versements ponctuels à des membres associées à l’EI; modération d’un groupe sur Telegram dans lequel circulait de la propagande EI. Possession de 38 vidéos/images représentant de la violence. Participation; possession. | PPL 5 ans et 10 moisExpulsion du territoireInterdiction d’entrée de 15 ans |
23* | TPF SK.2019.69 du 21 novembre 2019 (Renvoi au MPC); TPF SK.2019.74 du 7 octobre 2020 | Art. 2 al. 1 LAQEI Art. 135 al. 1bis CP | Disque dur avec trois sermons de leaders du le groupe Al-Shabaab appelant au djihad armé, des photos et vidéos montrant les activités d’Al-Shabaab; disque dur a été connecté à autre ordinateur et fichiers des sermons transférés. Possession de 13 images/vidéos représentant de la violence. Organisation d’actions de propagande; possession. | PPL 5 mois avec sursis pendant 2 ans |
24* | TPF SK.2018.8 du 7 novembre 2018;TF 6B_56/2019 du 6 août 2019;TPF SK.2019.49 du 3 septembre 2020 | Art. 2 al. 1 LAQEI Art. 135 al. 1 CP | Partagé sur Facebook d’une vidéo sur Facebook avec le drapeau de l’EI et, par là, fait de la propagande pour l’EI. Partagé cinq (5) vidéos sur Facebook considérées comme représentation de la violence. Organisation d’actions de propagande; exposition et rendu accessible. | PPéc 180 j.-a. avec sursis pendant 2 ans |
25 | TPF SK.2017.49 du 15 juin 2018;TF 6B_169/2019 du 26 février 2020 | Art. 2 al. 1 LAQEI | Production et diffusion d’un entretien filmé avec une figure connue des rebelles dans le conflit syrien promouvant l’idéologie d’Al-Qaïda, car ledit rebelle appartient au groupe Jaysh Al-Fath, auquel est associé le groupe Jabhat Al-Nusra qui lui est affilié au groupe Al-Qaïda; production et diffusion d’un deuxième film similaire. Organisation d’actions de propagande. | PPL 20 mois avec sursis pendant 2 ans |
26* | TPF SK.2017.49 du 15 juin 2018; TF 6B_114/2019 du 26 février 2020; TF SK.2020.7 du 27 octobre 2020 | Art. 2 al. 1 LAQEI | Organisé la publication de l’entretien filmé par le premier accusé; organisation d’une conférence de presse pour diffuser la vidéo. Organisation d’actions de propagande. | PPL 18 mois avec sursis pendant 3 ans |
27* | TPF SK.2017.49 du 15 juin 2018;TF 6B_114/2019 du 26 février 2020;TPF SK.2020.7 du 27 octobre 2020 | Art. 2 al. 1 LAQEI | Fait une mention publique de l’entretien filmé par le premier accusé; participé à la conférence de presse organisée par le deuxième accusé en tant qu’intervenant.Organisation d’actions de propagande. | PPL 15 mois avec sursis pendant 3 ans |
28* | TPF SK.2019.62 du 13 novembre 2019 (Renvoi au MPC); TPF SK.2019.71 du 11 septembre 2020 | Art. 260ter ch. 1, al. 1 et 2, CP Art. 135 CP, al. 1 et 1bis, CP | Membre d’un groupe associé à un groupe apparenté à l’EI; recrutement de quatre personnes pour le groupe; Partage de 7 vidéos/images/commentaires à travers les réseaux sociaux; sauvegarde de 5 fichiers sur téléphone. Participation et soutien; possession. | PPL 50 mois |
29* | TPF SK.2019.62 du 13 novembre 2019 (Renvoi au MPC); TPF SK.2019.71 du 11 septembre 2020 | Art. 260ter ch. 1 al. 2 CP | Via WhatsApp, partagé avec une personne trois images promouvant l’EI. Soutien. | PPéc 100 j.-a. avec sursis pendant 2 ans |
* : Recours pendant. |
Alors que les années de plomb dans la décennie 1970 avec le terrorisme des Brigades rouges, de la Rote Armee Fraktion et du Front de libération de la Palestine frappent l’Europe, le législateur a tenté de répondre au phénomène en introduisant en 1981 l’art. 260bis CP, tout en rejetant l’infraction sur l’« association de malfaiteurs » que proposait le Conseil fédéral[68]. Une dizaine d’années plus tard, l’art. 260ter CP sur l’« organisation criminelle » a cette fois-ci eu les faveurs de l’Assemblée fédérale et est entré en vigueur le 1er août 1994[69]. A l’instar de l’art. 260bis CP, l’art. 260ter CP fait démarrer la répression au stade des actes préparatoires pour réprimer un comportement situé en amont d’une infraction concrète que la disposition cherche à prévenir pour, in fine, protéger la sécurité publique face à toute mise en danger[70]. Il vise à permettre aux autorités de s’affranchir de la preuve de la « chaîne de causalité » entre une infraction déterminée et une organisation pour poursuivre et condamner des individus qui déploient pour elle une certaine activité[71].
S’agissant de sa typicité plus précisément, l’art. 260ter CP incrimine la « participation » (ch. 1 al.1) et le « soutien dans son activité criminelle » (al. 2) à une « organisation qui tient sa structure et son effectif secrets et qui poursuit le but de commettre des actes de violence criminelle ou de se procurer des revenus par des moyens criminels ». L’incrimination est ainsi construite de façon à appréhender les personnes gravitant autour de l’organisation en fonction de leur degré d’implication dans ses structures: par la variante de la « participation » pour les membres pour des raisons évidentes et par la variante du « soutien » pour les intermédiaires qui ne sont pas des membres, mais servent de pont entre l’organisation et l’économie légale, la politique et la société[72]. L’appartenance en tant que telle, en revanche, n’est pas réprimée[73].
Malgré des voix critiques relevant les difficultés d’application de l’infraction, le Conseil fédéral jugeait en 2010 que l’art. 260ter CP ne présentait aucune « lacune matérielle » nécessitant l’action du législateur[74]. En 2015, il acceptait cependant une motion revenant à la charge en demandant un examen de l’opportunité d’une révision[75]. Se reposant sur « les besoins et les propositions des autorités de poursuite pénale, notamment du MPC »[76], cette impulsion politique a débouché sur le nouvel art. 260ter CP sur les « organisations criminelles et terroristes » dont l’entrée en vigueur est prévue pour le 1er juillet 2021.
En substance, la nouvelle mouture de l’art. 260ter CP incrimine expressément l’organisation terroriste aux côtés de l’organisation criminelle, en reprenant la définition positive du terrorisme figurant à l’art. 260quinquies al. 1 CP, sans la définition négative des al. 3 et 4 de la même disposition[77], alors même que cela avait pourtant été recommandée par la Conférence des cantons des directeurs de justice et police (CCDJP) dans sa proposition du 8 septembre 2016[78]. La seule exception instaurée concerne l’activité des organisations humanitaires et permet de répondre en partie aux craintes exprimées par celles-ci au vu d’un précédent étatsunien[79]. Cela étant, la portée de la norme a été étendue pour les deux types d’organisation, en ce sens que la variante du « soutien » n’est plus subordonnée à la nature « criminelle » de l’activité soutenue. En outre, le critère du secret, bien qu’il permît de distinguer plus clairement l’organisation réprimée de celle légale, été supprimé pour l’organisation criminelle[80]. Enfin, la sanction a été rehaussée et sera de 10 ans, plutôt que 5 ans actuellement, ou de 3 ans au moins et de 20 ans au plus pour la personne « exerçant une influence déterminante au sens de l’organisation » (art. 260ter al. 3 nCP).
Parce que l’art. 260ter CP se rapporte aux organisations « criminelles », l’application de cette infraction aux organisations « terroristes » n’est pas forcément évidente. En effet, s’il est possible de partir de l’idée qu’une organisation terroriste poursuit « le but de commettre des actes de violence criminelle » pour parvenir à ses objectifs politiques, qu’ils relèvent de l’idéologie ou du religieux notamment, il est toutefois douteux que de telles organisations soient « secrètes ». Contrairement aux organisations mafieuses pour lesquelles la discrétion est une règle d’or, les organisations terroristes cherchent en effet à apparaître au grand jour et à tirer profit de la médiatisation de leurs actions[81]. Les principales figures de ces organisations sont qui plus est généralement connues.
S’agissant d’Al-Qaïda, la Ière Cour de droit public du Tribunal fédéral a jugé dès 2002 qu’il s’agissait d’une « organisation criminelle au sens de l’art. 260ter CP » dans le cadre d’une procédure d’entraide[82], pour ensuite considérer en 2004 qu’il en allait plus globalement ainsi du « réseau international d’Al-Qaïda »[83]. Même si cette qualification n’est pas douteuse en soi, elle ne repose que sur l’accusation des autorités américaines imputant à cette organisation les attentats du 11 septembre 2001. Elle a néanmoins été reprise sans autre examen par le TPF dans l’un de ses tous premiers arrêts sur le terrorisme djihadiste[84], puis confirmée par la Cour de droit pénal du Tribunal fédéral[85]. En 2014, le TPF a examiné plus en profondeur la question de la qualification de l’organisation Al-Qaïda, relevant qu’elle avait été établie au préalable de façon « apodictique »[86]. Cela étant, il a considéré que la responsabilité d’Al-Qaïda dans les attentats du 11 septembre 2001 était notoirement connue et confirmée par Ben Laden lui-même, ajoutant de surcroît qu’elle et les groupes apparentés avaient fait l’objet d’une interdiction formelle par le Conseil fédéral et d’une inscription sur une liste du Conseil de sécurité de l’ONU[87]. Cela rendait implicitement cette organisation « criminelle ». Suite à l’éclatement d’Al-Qaïda toutefois, cette qualification a été rétrécie pour ne valoir que pour son « noyau dur », mais pas nécessairement pour les organisations gravitant autour qui ne se consacrent pas à une activité criminelle[88].
L’Etat islamique a également été qualifié d’« organisation criminelle » par le TPF en 2016, nonobstant l’absence de démonstration du MPC dans son acte d’accusation : cela relevait de l’évidence au vu des sources librement accessible, à l’instar de l’appréciation du Conseil de sécurité[89]. Le TF a ensuite confirmé cet arrêt en jugeant que cette organisation était « manifestement et indiscutablement » (« offensichtlich und unstreitig ») une organisation criminelle[90]. Qui plus est, le « caractère terroriste » à la fois d’Al-Qaïda et de l’EI est considéré comme « notoire en Suisse » au vu de leur interdiction légale[91].
Ce glissement de qualification d’une Cour à l’autre du Tribunal fédéral et de la procédure d’entraide à la procédure pénale est discutable. La question de savoir si une organisation est « criminelle » ou non revêt en effet une importance fondamentale nécessitant un examen approfondi par la Cour de droit pénal du Tribunal fédéral. S’il ne fait que peu de doute que les organisations Al-Qaïda et Etat islamique tombent sous le coup de l’art. 260ter CP, force est d’admettre qu’il n’est pas satisfaisant que l’autorité judiciaire suprême de la Confédération (art. 188 Cst.) se satisfasse des accusations d’autorités étrangères. Il est au contraire nécessaire que les autorités suisses procèdent elles-mêmes à un examen des conditions légales édictées par le législateur, ce que le Tribunal pénal fédéral a également précisé : « on ne peut se satisfaire de la qualification terroriste précédemment retenue par des autorités extrajudiciaires pour retenir la réalité des faits »[92].
L’importance de cette qualification s’est fait jour lorsque les autorités judiciaires ont été confrontées à une « émanation » des Tigres tamouls, c’est-à-dire une organisation autre qu’Al-Qaïda ou l’EI ou encore d’autres ayant par le passé été qualifiées de « criminelles » dans le cadre de procédure d’entraide[93]. Dans cette procédure, le TPF a procédé à une analyse extensive et minutieuse de cette organisation, en ayant recours à l’expertise du Professeur Robert Roth pour « des questions spécifiques relatives au droit international pénal » et à Thomas Unger « pour une expertise relative à l’histoire du mouvement LTTE »[94]. Il convient de saluer ce procédé, rendu nécessaire par la maxime de l’instruction (art. 6 CPP), lorsque l’organisation en cause n’est pas notoirement « terroriste » ou qu’elle n’a fait que l’objet d’un examen sommaire dans des procédures d’entraide. Dans cette affaire, le Tribunal fédéral a retenu que cette organisation figurait sur la liste des organisations terroristes de plus de 32 Etats et que plusieurs « attaques de nature terroriste », dont un attentat à la bombe contre un autobus civil provoquant la mort de 64 personnes, lui étaient imputables[95]. Néanmoins, il n’a pas retenu l’art. 260ter CP, comme le TPF. en raison de l’incertitude entourant la qualification juridique de l’organisation par les autorités suisses qui, pendant longtemps, n’ont pas ouvert de procédure, alors que l’organisation en cause agissait au vu et au su des autorités[96].
En définitive, notre Haute Cour retient qu’« il est malaisé de prévoir si une organisation ayant notamment commis des actes terroristes pourrait être considérée comme une organisation criminelle », en précisant également que l’art. 260terCP « n’a jamais été conçu comme une disposition applicable à un mouvement pouvant à la marge se livrer à des actes terroristes mais poursuivant par ailleurs d’autres objectifs directs, ainsi la conduite d’une lutte armée conventionnelle, la gestion quasi-étatique d’un territoire ainsi que la reconnaissance de l’indépendance d’une communauté ethnique »[97]. Il s’ensuit que l’imputabilité d’actes terroristes à une organisation ne signifie pas que celle-ci doive nécessairement être qualifiée de « criminelle » ou « terroriste », mais qu’il convient de procéder à une analyse de toutes les circonstances du cas d’espèce.
La « participation » à une organisation criminelle au sens de l’art. 260ter ch. 1 al. 1 CP vise quiconque y est fonctionnellement enrôlé et y déploie des activités qui concourent à son but criminel[98]. Elle suppose ainsi une coopération avec l’organisation qui, d’une part, dénote une appartenance à celle-ci et, d’autre part, exclut qu’une contribution unique à l’organisation soit qualifiée comme un acte relevant de la participation[99]. En outre, les activités déployées par les membres participant à l’organisation ne doivent pas nécessairement être illégales en elles-mêmes[100].
Dans le contexte du terrorisme djihadiste, s’est posée la question de savoir si la participation impliquait une appartenance au « noyau dur » (« Kern ») de l’organisation criminelle. Le TF a répondu par la négative, en considérant que cette variante de l’infraction doit être définie de manière large compte tenu du but de l’incrimination[101]. Néanmoins, il a laissé entendre que le TPF était parvenu à la conclusion inverse dans la cause SK.2013.39[102]. Cette interprétation nous semble erronée. En effet, la Cour de Bellinzone ne cherchait dans l’arrêt en question qu’à déterminer si l’organisation Zentrum Didi Nwe Auslandsabteilung appartenait au « réseau international d’Al-Qaïda », pour revenir sur ses pas et retenir que la portée de la qualification « criminelle » de l’organisation Al-Qaïda devait être réduite à son seul « noyau dur » compte tenu la déstabilisation et des changements de structures dont elle a fait l’objet[103]. Ainsi, la « participation » n’est pas limitée au noyau dur et appréhende plus largement toute personne appartenant au « cercle élargi » (« erweiterten Kreis ») de l’organisation criminelle et qui est prête, sur la durée, à suivre des instructions en tant que preneuse d’ordre factuel (faktischen Befehlsempfängers), indépendamment de la place hiérarchique[104].
La distinction entre les membres participant à l’organisation en faisant partie du « noyau dur » et les autres membres n’a donc pas d’importance en termes de qualification juridique : tous sont des participants sous l’angle de l’art. 260terch. 1 al. 1 CP. Elle peut assurément porter à conséquence sur la sanction néanmoins, mais cela ne peut être confirmé en l’occurrence, étant donné qu’aucune des quatre (4) personnes condamnées pour « participation » dans les procédures ici examinées n’appartenait à ce noyau. A l’avenir, cet élément pourrait jouer un rôle plus déterminant à condition que le membre de ce noyau exerce « une influence déterminante au sein de l’organisation », auquel cas le législateur prévoit une peine privative de liberté de 3 à 20 ans (art. 260ter al. 3 nCP).
La participation à une organisation criminelle appréhende divers types de comportements dans le spectre du terrorisme djihadiste. Il ressort de la jurisprudence analysée en la matière qu’une personne entretenant des contacts avec les membres d’un groupe terroriste djihadiste en Syrie et agissant pour lui en Suisse comme « activiste, coordinateur et logisticien » est un membre participant à une organisation criminelle[105]. Il en va de même pour la personne qui, affiliée à l’EI, se rend en Suisse et prévoit de devenir active pour le groupe en Europe[106]. En est également membre y participant la personne qui appartient au réseau international de l’EI en modérant un groupe Telegram sur lequel s’échange de la propagande djihadiste, en opérant des virements ponctuels à des personnes associées à cette organisation, en endoctrinant en outre des personnes et en encourageant une personne dans son intention de commettre un attentat-suicide à l’étranger[107]. Tel est également le cas de la personne qui recrute des personnes pour l’EI[108].
S’agissant du degré de réalisation de l’infraction, la participation à une organisation criminelle ne peut être réprimée ni au stade de la tentative ni dans la phase des actes préparatoires[109].
Enfin, le législateur n’a pas déterminé de niveau de gravité distinct entre la « participation » et le « soutien » dans la loi. Or le degré d’implication dans l’organisation de la première variante par rapport à la seconde peut être considéré comme supérieur. Cela permet de comprendre pourquoi les sanctions les plus sévères, à chaque fois des peines privatives de liberté, l’ont été pour les quatre (4) personnes condamnées pour participation à une organisation criminelle : 3 ans et 6 mois et 3 ans et 8 mois[110] ; 4 ans et 2 mois[111] ; et 5 ans et 10 mois[112].
Le « soutien » à une organisation criminelle selon l’art. 260ter ch. 1 al. 2 CP appréhende tout comportement de personnes qui, n’étant pas intégrées dans les structures de l’organisation, renforcent concrètement l’activité criminelle de l’organisation, sans qu’un lien de causalité entre l’acte de soutien et l’acte criminel de l’organisation ne doive être démontré[113]. Dès lors, le destinataire du soutien doit être l’organisation criminelle elle-même pour ses activités criminelles, raison pour laquelle le « simple appui à l’un des membres de l’organisation » n’est pas suffisant[114].
Cette variante de l’incrimination a essentiellement été appliquée dans les procédures du terrorisme djihadiste en relation à des actes relevant de la propagande sur Internet. Néanmoins, la jurisprudence a dû préciser sur le plan matériel et temporel la relation entre l’art. 260ter ch. 1 al. 2 CP et l’art. 2 LAQEI réprimant l’organisation d’« actions de propagande » pour les organisations concernées que sont Al-Qaïda, l’Etat islamique et les groupes apparentés (art. 1 LAQEI).
Matériellement d’abord, des actes de propagande en faveur d’organisations criminelles peuvent être qualifiés de soutien à celles-ci au sens de l’art. 260ter ch. 1 al. 2 CP, à la condition d’avoir pour effet de renforcer le potentiel criminel de celles-ci ; à défaut, un tel comportement n’est appréhendé que par l’art. 2 LAQEI[115]. L’art. 260ter nCP ne changera pas la donne matériellement, étant donné qu’un soutien à des activités de nature criminelle ne sera plus requis. Ainsi, l’art. 260ter ch. 1 al. 2 CP est d’application plus restrictive que l’art. 2 LAQEI. Au moment de l’abrogation de la LAQEI, le nouvel art. 74 al. 4 de la Loi sur le renseignement[116] pour les organisations interdites par le Conseil fédéral (al. 1 cum al. 4) prendra le relai, mais devrait céder à l’art. 260ter nCP selon le Conseil fédéral[117].
Temporellement ensuite, en présence d’un comportement répondant à la typicité des deux infractions, la loi spéciale et postérieure, c’est-à-dire l’art. 2 al. 1 LAQEI depuis son entrée en vigueur le 1er janvier 2015, prime[118]. Il s’ensuit que l’art. 260ter CP est applicable pour les faits antérieurs à cette date. L’art. 2 al. 1 LAQEI restera la lex specialisapplicable et primant l’art. 260ter nCP lors de l’entrée en vigueur de ce dernier, mais cette relation de primauté en faveur de la loi spéciale ne devrait pas être perpétuée par l’art. 74 al. 4 nLRens.
Devant le Tribunal pénal fédéral, un soutien à une organisation criminelle a été retenu à différents niveaux des utilisateurs d’un site Internet ou des réseaux sociaux. En premier lieu, le fournisseur de contenu (content provider) créant et administrant un site web sur lequel s’échangent du matériel de propagande en faveur d’organisations terroristes, des instructions relatives à la confection de bombes, ainsi que des messages incitant à la violence commet un acte de soutien à une organisation criminelle, tout comme la modératrice de ce site web[119]. Deuxièmement, il y a également soutien à une organisation criminelle pour l’utilisateur publiant sur un tel site web des liens Internet vers des vidéos de massacres[120] ou mettant en ligne, sur Facebook, plusieurs publications contenant de la propagande pour l’Etat islamique dont des photos glorifiant le djihad armé[121]. Ensuite, soutient aussi une organisation criminelle l’utilisateur créant un compte Facebook pour une personne associée à l’EI et envoyant des demandes d’amitié à des sympathisants du terrorisme djihadiste à travers le monde[122]. Se référant à la « notion pénale de propagande » (« strafrechtlicher Propagandabegriff »), le Tribunal pénal fédéral a tout d’abord considéré qu’elle doit revêtir un caractère public et avoir pour but d’influencer un grand nombre de personnes, si bien qu’une personne voulant faire adhérer une seule personne à sa cause ne s’adonne pas à un acte de propagande pénalement répréhensible[123]. Pourtant, la même cour de Bellinzone a dernièrement retenu un acte de soutien pour la personne envoyant sur WhatsApp à une seule personne, et non à un groupe, trois photos considérées comme relevant de la propagande pour l’EI[124]. Par ailleurs, l’art. 260ter CP étant une infraction intentionnelle, le soutien suppose une activité consciente et donc l’intention qui comprend également le dol éventuel. C’est pourquoi le fait pour le fournisseur de contenu de savoir que de tels messages et documents sont partagés sur le site web qu’il administre et de les tolérer engage sa responsabilité pénale pour soutien par dol éventuel[125].
Force est de constater qu’un comportement peut facilement être interprété comme un acte de soutien à une organisation criminelle et que la jurisprudence est mouvante. Il suffit en effet de relayer, que ce soit par l’envoi à une ou plusieurs personnes sur un service de messagerie électronique comme WhatsApp ou Telegram, ou de publier sur un réseau social tel que Facebook, Twitter ou YouTube, une image ou une vidéo montrant, par exemple, la mise à mort d’un civil avec l’emblème de l’organisation criminelle en question[126]. A cet égard, il est toutefois permis de s’interroger sur la véritable aptitude de cet acte à renforcer la capacité de nuisance de l’organisation criminelle. En outre, le Tribunal fédéral a admis dans un autre contexte que celui du terrorisme djihadiste qu’un « j’aime » à une publication d’un autre utilisateur et son « partage » sur Facebook élargissait le cercle initial des destinataires[127]. Cela pose donc la question de savoir si un simple « j’aime » à une vidéo de propagande pourrait être assimilé à un acte de soutien à une organisation terroriste, mais doit, selon nous, recevoir une réponse négative. Cependant, la suppression de la nature « criminelle » de l’activité à soutenir avec l’art. 260ter nCP devrait achever de confirmer les interprétations jurisprudentielles parfois extensives, si ce n’est les étirer davantage.
Finalement, les peines prononcées à l’encontre de personnes condamnées pour soutien à une organisation criminelle sont variables. Une (1) personne a été condamnée à une peine-pécuniaire de 100 jours-amende qui a été prononcée avec sursis pendant deux ans[128]. Trois (3) autres à des peines privatives de liberté de 12 mois au plus, dont deux (2) avec sursis, l’une de 5 mois et l’autre de 12 mois[129], ainsi qu’une (1) dernière peine ferme de sept (7) mois pour une personne se trouvant à l’étranger au moment de sa condamnation[130]. Dans les causes SK.2007.4 et 2013.39, les peines privatives de liberté de 2 ans, dont 6 fermes et la quotité de la peine restante avec sursis, de 2 ans avec sursis et de 3 ans et 3 mois fermes ont sanctionné des auteurs ayant déployé une importante énergie criminelle en permettant la mise en place d’un réseau sur Internet de terroristes djihadistes. Enfin, la sévérité de la peine privative de liberté de 3 ans et 6 mois dans la cause SK.2015.45 est à mettre en relation avec le contexte politiquement chargé en raison des attentats perpétrés en début d’année 2016 dans la France voisine[131] ; cette sanction n’a pas été contestée par la personne condamnée en question, alors que le Tribunal fédéral a admis les recours de ses co-accusés, en retenant que les peines prononcées étaient excessivement lourdes[132].
La jurisprudence a coutume d’affirmer que les « simples sympathisants » ou « admirateurs » d’organisations criminelles ou terroristes ne satisfont pas aux éléments constitutifs de la variante du « soutien »[133]. La doctrine considère également que la sympathie ne fait pas l’objet d’une répression pénale[134]. Pourtant, la ligne de démarcation entre soutien illicite et sympathie et admiration licites n’est pas claire.
A cet égard, il convient de rappeler que lorsque l’art. 260ter CP fut créé, le Conseil fédéral présentait le champ d’application de la variante du « soutien » comme ne visant pas « le sympathisant qui, par exemple, fait de la publicité pour les buts de l’organisation en sprayant des slogans »[135]. Plus récemment, à l’occasion de l’inclusion expressis verbis des organisations terroristes à l’art. 260ter nCP et l’extension de l’infraction par rapport aux organisations criminelles, il expliquait à nouveau que « le législateur n’a jamais eu la volonté, et pour cause, de qualifier la simple expression d’une sympathie ou le pur fait de partager en son for intérieur les idées d’une organisation […] de participation au sens du droit pénal »[136]. Non seulement le Conseil fédéral explique-t-il que la simple sympathie n’est pas pénalement appréhendée, ce qui va de soi en vertu du principe cogitationis pœnam nemo patitur étant donné qu’il s’agit d’une pure pensée dans le for intérieur de l’auteur[137], mais il ajoute qu’en plus une manifestation concrète et dans le monde réel de celle-ci ne l’est pas non plus. Le gouvernement l’affirmera clairement dans son avis à la motion 15.3008 : « [d]u point de vue de l’Etat de droit, un simple sentiment d’appartenance ou une manifestation de sympathie à l’égard d’une organisation ne saurait être un élément constitutif suffisant, car le droit suisse ne punit pas la simple opinion »[138].
Compte tenu de la portée extensive que la jurisprudence donne à la variante de « soutien », il faut conclure qu’il est difficile de déterminer s’il existe encore une zone non-punissable pour tout acte de sympathie, cas échéant, lesquels.
Au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, le Conseil fédéral a décidé de réagir au plus vite pour incriminer divers comportements en relation à l’organisation Al-Qaïda. Par voie d’ordonnance, il a interdit cette organisation dès le 8 novembre 2001 et réprimé par ce biais l’association à cette dernière, ainsi que le soutien personnel ou matériel, l’organisation d’actions de propagande en sa faveur ou pour ses objectifs et le recrutement d’adeptes[139]. Cette ordonnance est restée en vigueur plus de dix ans sous cette forme, car elle a été prorogée à trois reprises par le Conseil fédéral[140]. Dans un second temps, l’Assemblée fédérale l’a également prorogée dès 2012 sous la forme d’une ordonnance[141] pour en faire dès 2015 une loi fédérale, mais reposant sur la clause d’urgence (art. 165 al. 1 Cst.)[142]. Cette loi fédérale devait échoir au 31 décembre 2018 (art. 4 al. 4 LAQEI), mais a été prolongée jusqu’à la fin de l’année 2022 (art. 4 al. 3)[143].
Cette façon de légiférer pénalement en dehors du processus législatif ordinaire a suscité des critiques dans la doctrine. Le principe de la légalité (art. 1 CP) tolère dans des situations exceptionnelles que des lois d’incrimination et de sanction figurent dans des ordonnances, mais à la condition, notamment, qu’une telle réglementation soit limitée dans le temps et incorporée dans une loi formelle si elle perdure[144]. Saxer a ainsi qualifié l’ordonnance de « verfassungsrechtlich nicht haltbar » en raison de ses diverses prolongations[145], tandis que Biaggini a relevé que le transfert vers une loi fédérale urgente n’avait pas fait sortir la réglementation de la sphère de l’extraordinaire dans laquelle elle avait été placée[146].
D’un point de vue matériel, l’art. 2 al. 1 LAQEI réprime quatre comportements distincts, à savoir l’« association », la « mise à disposition des ressources humaines ou matérielles », l’« organisations d’action de propagande » avec, en sus, une clause générale et subsidiaire visant l’« encouragement des activités [de l’organisation] de toute autre manière ». La disposition vise ainsi à protéger la sécurité publique avant que des infractions pénales ne soient commises[147]. Les deux premières variantes sont donc similaires aux comportements incriminés à l’art. 260ter CP[148], si bien qu’il existe des recoupements entre les deux infractions. Le champ d’application de l’art. 2 al. 1 LAQEI est toutefois plus étendu de par la clause générale permettant de réprimer un très large éventail d’actes[149]. Alors que les organisations visées par la LAQEI sont discriminées et établies dans la loi (art. 1), il en va autrement à l’art. 260ter CP qui se réfère à des critères abstraits devant, de cas en cas, être examinés pour déterminer si une organisation est « criminelle » ou non[150].
Instrument répondant à une situation d’urgence lorsqu’elle a été adoptée, la LAQEI est vouée à disparaître, mais les comportements qu’elle réprime continueront de l’être par l’entremise de l’art. 74 al. 4 LRens qui est mot pour mot calqué sur l’art. 2 al. 1 LAQEI. A cet égard, le Conseil fédéral a indiqué qu’il prononcerait une décision formelle d’interdiction au sens de l’art. 74 al. 1 nLRens s’agissant des organisations concernées par la LAQEI. Il aurait toutefois pu fixer l’abrogation de cette loi au moment de l’entrée en vigueur l’art. 260ter nCP le 1er juillet 2021, étant donné que les organisations Al-Qaïda et EI, ainsi que les organisations apparentées, sont assurément des organisations terroristes d’ores et déjà reconnues par la jurisprudence.
L’« organisation d’actions de propagande » désigne de manière générale toute action visant à influencer le destinataire d’une communication qu’elle qu’en soit le médium sur le plan idéologique, que ce soit dans les domaines culturels, sociaux, politiques ou religieux, dans le but de gagner l’esprit de tiers ou de renforcer leurs convictions[151]. Dans le contexte de l’art. 2 al. 1 LAQEI, cette variante incrimine toutes les activités de propagande qui promeuvent de manière active l’idéologie et les valeurs des organisations Al-Qaïda et Etat islamique interdits à l’art. 1 LAQEI[152].
Tombent sous le coup de cette variante les publications sur tout réseau social et d’autres sites Internet consistant en des images ou des vidéos d’atrocités commises par une organisation visée à l’art. 1 LAQEI qui est notamment reconnaissable par la présence de son drapeau[153]. Il en va également ainsi de la publication d’une image montrant les infrastructures médicales de l’Etat islamique avec la légende « Pour ceux qui pensent que l’Etat islamique en Lybie manquerait de moyens médicaux. / Photos d’un hôpital moderne et totalement équipé de l’Etat islamique en Lybie » : agissant de cette manière, l’auteur indique à toute personne lisant ce message qu’il est possible de mener une vie normale sous le règne de l’Etat islamique et que celui-ci dispose des infrastructures nécessaires à cet égard, en donnant tort à quiconque penserait le contraire[154]. En outre, la production et la dissémination d’un entretien filmé avec une figure connue des rebelles syriens, mais dont l’organisation qu’il dirige a une filiation proche avec Al-Qaïda, est également une action de propagande, de même que l’organisation d’une conférence de presse présentant cet entretien, ainsi que la participation en tant qu’intervenant à cette dernière conférence[155]. Le transfert via un disque dur sur l’ordinateur d’un tiers de trois sermons de leaders de la milice Al-Shabaab, affiliée à l’Etat islamique, appelant à mener le djihad armé contre tous les infidèles, est également un acte de propagande[156]. Finalement, est également considérée comme propagande la tenue de discussions en personne ou par voie électronique visant à convaincre des personnes de l’idéologie de l’EI (prosélytisme)[157].
Quand bien même une personne s’adonne à une action de propagande sans éprouver une quelconque sympathie pour l’Etat islamique et sans proximité aucune avec cette organisation, la jurisprudence retient qu’elle s’est accommodée du risque de renforcer le potentiel de l’organisation, l’infraction pouvant être commise par dol éventuel[158].
Les sanctions infligées à raison de cette variante de l’infraction ont toutes été prononcées avec sursis, à l’exception d’une personne condamnée cumulativement à une peine privative de liberté de 7 mois et d’une peine pécuniaire de 40 jours-amende pour une personne se trouvant à l’étranger lors de sa condamnation[159]. Deux personnes ont ainsi été sanctionnées de peines pécuniaires avec sursis, l’une de 25 jours-amende[160], l’autre de 180 jours-amende[161], et deux autres personnes chacune à une peine privative de liberté de 5 mois avec sursis[162]. Enfin, trois personnes ont été condamnées à des peines privatives de liberté plus sévères en comparaison des autres condamnations, mais avec sursis : à 20, 18 et 15 mois de peine privative de liberté[163].
Trois autres variantes à l’art. 2 al. 1 LAQEI sont envisagées, au premier rang desquelles figure le fait de « s’associer sur le territoire suisse » à une organisation interdite au sens de l’art. 1 LAQEI. Si la version en langue française ne traduit pas de véritable proximité avec la variante de la « participation » envisagée à l’art. 260ter CP, il en va autrement pour celles en allemand et en italien, puisque dans les deux normes il est question de « beteiligt » et « partecipa ». Par conséquent, la jurisprudence relative à l’art. 260ter ch. 1 al. 1 CP peut être reprise mutatis mutandis pour la variante de l’« association ». Cela étant, il n’y a pour l’heure pas de cas d’application pour cette variante. Le Tribunal pénal fédéral n’a pas qualifié, dans le cadre d’une procédure simplifiée, le fait pour une personne d’avoir facilité l’accès à la zone de conflit syro-irakienne en Suisse et en Turquie de deux « foreign fighters »[164].
De la même manière, la variante de la « mise à disposition de ressources humaines ou matérielles » correspond à celle du « soutien » au sens de l’art. 260ter ch. 1 al. 2 CP, le Tribunal pénal fédéral ayant privilégié dans l’interprétation la version allemande, sans toutefois relever que les versions française et italienne sont concordantes[165]. Le renvoi à la jurisprudence relative à la disposition du Code pénal sur l’organisation criminelle est tout de même justifié.
Lorsqu’il s’est agi de qualifier le voyage pour rejoindre le territoire contrôlé par l’Etat islamique, la variante de la « mise à disposition de ressources humaines » n’a toutefois pas été retenue et il lui a été privilégié celle de l’« encouragement [de] ses activités de toute autre manière » qui a une portée plus large[166]. Pourtant, cette variante correspond à une clause générale et subsidiaire qui est « problématique »[167] du point de vue de l’exigence de certitude du droit pénal et se trouve dans une « relation de tension » avec le principe nulla poena sine lege certa (art. 1 CP)[168]. C’est la raison pour laquelle est requise en outre une proximité (Tatnähe) entre le comportement en cause et les crimes de l’Etat islamique[169]. Le TPF a justifié l’application de cette variante dans le cas d’un voyageur du djihad au motif qu’il avait salué plusieurs personnes et été salué par elles devant une mosquée quelques jours avant son départ et que celles-ci devaient être au courant de son départ en vue de gonfler les rangs de l’Etat islamique. L’auteur a ainsi suscité l’admiration des personnes restées sur places et potentiellement intéressées à en faire de même[170]. Entouré d’une certaine publicité, ce départ avait non seulement un effet de propagande considérable (erhebliche propagandistische Wirkung), mais il a en plus encouragé des tiers à agir en ce sens et donc renforcé le pouvoir d’attrait de l’organisation[171]. Dès lors, l’infraction est considérée comme réalisée, quand bien même l’auteur est arrêté par la police après avoir franchi la porte d’embarquement en attendant d’être transporté à destination par la compagnie aérienne.
Il est toutefois à noter que, sans remettre en cause la qualification retenue par le TPF, le Tribunal fédéral a jugé que déterminer si un tel comportement relevait de la variante de la « mise à disposition » ou de la clause générale d’« encouragement de toute autre matière » n’était pas pertinent (einerlei)[172].
Un autre voyage à destination de la Syrie également interrompu a néanmoins fait l’objet d’une qualification différente dans un arrêt du TPF postérieur au premier discuté ci-avant, tant d’un point de vue matériel que par rapport au degré de réalisation de l’infraction. Tout d’abord, il a été retenu une « mise à disposition de ressources humaines » dans le cas d’une personne vivant isolée dans un pays étranger et n’ayant pas fait connaître son voyage à de tiers, si ce n’est un passeur. La qualification repose sur le fait que, par son voyage, l’auteur entendait aller mener une vie volontaire (freiwilliges Leben) sous le régime de l’Etat l’islamique, ce qui irait indubitablement de pair avec son renforcement, étant donné que son existence en tant qu’Etat autoproclamé conquis dépend de sa capacité à s’appuyer sur des ressources humaines[173]. Dans la mesure où la personne vivait en Égypte et se rendait en Grèce pour atteindre la Turquie et enfin gagner la Syrie, mais qu’elle s’est fait arrêter à la frontière gréco-turque, c’est une tentative qui est retenue[174]. Si la qualification matérielle nous semble être correcte, le degré de réalisation retenu surprend toutefois, étant donné que l’infraction en cause porte sur des actes préparatoires et que l’application de l’art. 22 CP est de ce fait exclue[175]. Il s’ensuit une extension critiquable du champ de punissabilité difficilement compatible avec le principe de la légalité (art. 1 CP).
En termes de sanction, les comportements subsumés par ces différentes variantes et jugés par le TPF ne concernaient qu’un voyage mis en échec en direction de la Syrie. Ils ont tous deux été sanctionnés par une peine privative de liberté de 18 mois, dont 6 mois fermes avec un sursis partiel de 3 ans pour la quotité restante de la peine[176], et avec un sursis complet de 3 ans dans l’autre cas[177]. La cause SK.2017.39, dont l’issue est une peine privative de liberté de 2 ans et 6 mois, dont 6 fermes, est particulière, étant donné qu’il s’agissait d’une procédure simplifiée.
Aux côtés des art. 260ter CP et 2 LAQEI dont la pertinence est évidente pour le terrorisme djihadiste, l’art. 135 CP relatif à la « représentation de la violence » est une infraction faisant régulièrement son apparition dans le cadre des procédures examinées. Entrée en vigueur en 1990 ensuite d’une forte pression politique, cette incrimination est calquée sur l’infraction de pornographie (art. 197 CP) relativement aux comportements réprimés[178], les deux dispositions visant cependant des représentations de nature différente. Le bien juridiquement protégé par l’infraction est difficilement identifiable et la doctrine, divisée sur cette question, met en avant la protection de la jeunesse d’une part et, d’autre part, la protection du sens moral de tout un chacun qui serait heurté par de telles représentations, voire incité à reproduire les mêmes comportements[179]. Or le lien entre une représentation de la violence et la violence qu’elle peut engendrer repose sur des « fondements scientifiques […] extrêmement controversés »[180].
L’art. 135 al. 1 CP vise des comportements se rapportant à des « représentations de la violence » qui sont définies par le législateur positivement comme « [illustrant] avec insistance des actes de cruauté envers des êtres humains ou des animaux portant gravement atteinte à la dignité humaine » et négativement en ne « [présentant] aucune valeur d’ordre culturel ou scientifique digne de protection »[181]. A l’origine, le champ de punissabilité de cette infraction était déjà envisagé largement par le législateur avec pas moins de dix comportements distincts devant être réprimés, de la « fabrication » au fait de « rendre accessible », en passant par la « promotion » de ladite représentation. Il a néanmoins fait l’objet d’une extension en 2002 avec la pénalisation de l’« acquisition », l’« obtention » et la « possession » de représentations de violence avec l’art. 135 al. 1bis CP. L’incrimination de ces comportements pour les représentations de violence est justifiée par le Conseil fédéral par renvoi aux motifs concernant l’art. 197 CP : la consommation de pornographie dure augmentant en Suisse, elle entraîne la fabrication de représentation l’illustrant et qui reproduise un vécu concret[182]. Pour les représentations de violence en revanche, il est uniquement indiqué que « la demande […] incite, aussi, à la commission de délits graves »[183], sans qu’aucune hausse de la consommation de ces représentations et donc de la demande n’ait au préalable été établie. Cela permet de s’interroger sur la véritable nécessité de l’extension de l’art. 135 CP de manière générale au regard du principe de subsidiarité du droit pénal[184].
La « possession » au sens de l’art. 135 al. 1bis CP requiert une maîtrise physique, directe ou indirecte, ainsi que la volonté correspondante, et correspond à la notion pénale de « détention » (« Gewahrsam »)[185].
Cette variante de l’infraction doit toutefois être distinguée de la stricte consommation de représentations de la violence qui ne fait pas l’objet d’une répression pénale[186]. La solution est différente en présence de représentations pornographiques, le législateur ayant expressément incriminé leur consommation (art. 197 al. 5 CP). En pratique toutefois, la distinction est délicate par rapport à la mémoire-cache, soit les sauvegardes intermédiaires et automatiques de données relatives à des représentations consommées, de navigateurs Internet notamment. A cet égard, le Conseil fédéral a lui-même jugé la présence de données dans la mémoire-cache n’était, en règle générale, pas constitutive d’une « possession » punissable[187]. Le Tribunal fédéral a retenu cette interprétation dans un premier temps[188], mais il a ensuite opéré un revirement de jurisprudence dans le cadre de l’art. 197 ch. 3bis CP, en ce sens que quiconque laisse sciemment des données relatives à une représentation prohibée dans la mémoire-cache se rend coupable de « possession »[189]. Interprétée ainsi, cette notion est extrêmement large et ce caractère étendu ne correspond pas à la volonté du législateur tout en confinant, dans les faits, à la répression de la simple consommation[190]. Si celle-ci peut être réprouvée, elle n’est pas pour autant réprimée par le législateur dans le cadre des représentations de violence. Cette interprétation est discutable du point de vue du principe de la légalité (art. 1 CP).
L’interprétation extensive critiquable de cette incrimination critiquable elle aussi a précisément servi au TPF pour retenir la variante de la « possession » à l’encontre d’une personne ayant visionné une vidéo sur les méthodes d’exécution de l’Etat islamique, comprenant des images d’exécutions et de cadavres[191]. Il en est allé de même pour une personne qui, sans avoir nécessairement visionné des photos contenant des représentations de violence, en l’occurrence des photos de cadavres démembrés dans le contexte de la guerre civile syrienne, les avait reçues via WhatsApp, cela même si elles avaient été enregistrées automatiquement sur la galerie photos du téléphone, mais supprimées, car les images n’ont en revanche pas été supprimées de l’historique des conversations dans l’application mobile en question[192]. Enfin, dans une autre procédure, le TPF a retenu la possession pour une personne qui avait reçu douze images et une vidéo représentant des exécutions, des décapitations et des cadavres de personnes tuées par l’EI, car la personne ne saurait faire valoir être un utilisateur d’Internet peu entraîné (ungeübter Internetnutzer) et aurait dû effacer le matériel sauvegardé sur le téléphone[193].
Dans les procédures pour terrorisme djihadiste devant le Tribunal pénal fédéral, l’art. 135 CP n’a jamais été retenu à lui seul, mais toujours aux côtés d’autres infractions. Par rapport à la sanction, les personnes reconnues coupables de possession de représentations de la violence ont été condamnées à une peine pécuniaire de 25 jours-amende, avec sursis pendant 2 ans[194], à une peine privative de liberté de 5 mois avec sursis pendant 2 ans[195] et enfin à une peine privative de liberté de 7 mois et d’une peine pécuniaire de 40 jours-amende pour une personne se trouvant à l’étranger lors de sa condamnation[196].
Trois autres procédures ont fait intervenir diverses variantes de l’art. 135 al. 1 CP qui se recoupent entre elles.
Dans la cause SK.2007.4, le TPF a retenu toutes les variantes de l’infraction, à l’exception de celles de l’« exposition » et de l’« offre » pour une personne ayant diffusé et toléré des images et des liens vers des vidéos d’exécutions sur un site web dont il était l’administrateur, ainsi que téléchargé des dizaines de vidéos d’exécution sur son ordinateur[197].
L’infraction peut être commise sous toutes ses variantes par dol éventuel. A cet égard, il a été retenu dans la cause SK.2020.11 qu’une personne avait « pris en dépôt » des images et des vidéos montrant des actes de violence extrême commis par l’EI, au motif qu’elle les avait possédées dans le dessein éventuel de les diffuser ultérieurement, même s’il n’est pas possible de prouver qu’elle ait spécifiquement téléchargé ou stocké ces représentations[198].
Lorsqu’une représentation de la violence se rapporte à une organisation criminelle au sens de l’art. 260ter CP et que le comportement commis est constitutif à la fois de « participation » ou « soutien » à une telle organisation, mais aussi d’une des variantes de l’art. 135 CP, la jurisprudence a admis un concours idéal entre les deux infractions, l’art. 135 CP étant absorbé par l’art. 260ter CP[199]. Il en va de même lorsque ce n’est pas l’art. 260ter CP qui s’applique, mais l’art. 2 LAQEI qui absorbe également l’art. 135 CP[200].
De la même manière que pour l’art. 135 al. 1bis CP, aucune personne n’a été condamnée uniquement pour violation de l’art. 135 al. 1 CP et il est donc difficile de tirer des conclusions par rapport aux sanctions. Dans la cause SK.2020.11 toutefois, le TPF a indiqué aggraver la peine privative de liberté de 10 mois supplémentaires pour les faits tombant sous le coup de l’art. 135 al. 1 CP[201]. Pour une autre personne, la peine pécuniaire a été augmentée de 80 jours-amende[202]. Enfin, une personne a été sanctionnée par une peine privative de liberté de 2 ans, dont 6 fermes et la quotité de la peine restante avec sursis[203].
La difficulté de gérer les différents niveaux – l’organisation au niveau macro et la culpabilité de l’individu au niveau micro – se lit en filigrane dans tous les jugements soumis à l’analyse. Il est dans la nature des infractions de la lutte anti-terroriste, tant avec l’art. 260ter CP que l’art. 2 al. 1 LAQEI, d’établir la culpabilité d’un individu à travers l’examen des liens qu’il entretient ou non avec l’activité criminelle de l’organisation. En effet, l’autorité de jugement étudie toujours les activités de l’organisation et leur nature licite ou non, afin de déterminer si effectivement il s’agit d’une organisation répréhensible. Or il apparaît que, dans l’évaluation de la culpabilité des personnes accusées, il n’est pas toujours aisé de déterminer si les juges sont en train de juger l’organisation ou la personne.
A titre illustratif, il a été retenu que les publications de matériel de propagande par un prévenu étaient particulièrement graves, car elles avaient eu lieu dans le courant de l’année 2015, soit, selon le TPF, « in einer Phase, als dieser [der IS] auf dem Zenit seiner Macht stand und Reisebewegungen ausländischer Anhänger in die eroberten Gebiete ihren Höhepunkt fanden »[204]. Dans un autre cas, un des magistrats lors de l’audience a demandé au prévenu s’il était d’accord avec les éléments se trouvant dans les prêches retrouvés sur un disque dur lui appartenant[205]. Enfin, dans les causes SK.2017.49 et SK.2020.7, les trois personnes accusées l’ont été en relation à la production d’un entretien filmé d’une personne associée à l’organisation Al-Qaïda et le fait que l’interviewer ne prenne pas une posture critique pendant l’entretien a été jugé comme étant un facteur aggravant.
Il va de soi que le même comportement envisagé par la loi puisse être jugé différemment en fonction de la nature et de la gravité des activités criminelles de l’organisation en question. Néanmoins, les liens avec les organisations criminelles sont souvent extrêmement ténus et forcément, dans une certaine mesure, construits dans la quête de l’établissement des faits. En effet, une personne partageant des vidéos et des images de l’Etat islamique adhère-t-elle véritablement à tout ce que Daesh fait et à tous les objectifs et toutes les activités de l’organisation ?
A titre général, il est possible de constater au terme de cette étude que le terrorisme djihadiste existe bel et bien en Suisse et cela dans différentes facettes. Si des actes de violence physique n’ont pas encore été jugés par les autorités judiciaires fédérales en attendant les jugements dans les affaires de Morges et de Lugano, des personnes ont été accusées et condamnées pour des comportements allant pour certains de l’envoi par WhatsApp d’une vidéo montrant des scènes de violence, la diffusion active de la propagande djihadiste sur Internet, le prosélytisme et pour d’autres le recrutement de personnes pour le djihad armé, cela jusqu’au départ vers le territoire syro-irakien pour combattre dans les rangs de groupuscules djihadistes. La répression pénale est lourde et 2020 a vu deux importantes affaires être jugées par le TPF avec, à la clé, le prononcé des peines les plus sévères en matière de terrorisme djihadiste depuis 2004.
Le droit pénal suisse du terrorisme ne connaît pour l’heure qu’une seule infraction portant spécifiquement sur le terrorisme, à savoir l’art. 260quinquies CP sur le financement du terrorisme. Pourtant, celle-ci n’a jamais été appliquée et c’est donc ailleurs qu’est la clé de ce dispositif avec, l’art. 260ter CP et l’art. 2 LAQEI. Alors que cette disposition a spécifiquement trait au terrorisme, jamais la notion n’y est évoquée, tandis que l’art. 260ter CP permet bel et bien de sanctionner des actes en relation à des organisations terroristes et le législateur va en faire une infraction terroriste à part entière avec l’art. 260ter nCP. Il est plus surprenant en revanche de constater que l’art. 135 CP est régulièrement appliqué à l’encontre de personnes soupçonnées de soutenir une organisation criminelle, même si les procédures pénales ne sont pas ouvertes sur la base de cette infraction. Dans les faits, cette infraction permet aux autorités de poursuite de faire condamner une personne quand une partie de ses activités en lien avec le phénomène djihadiste ne satisfont pas aux conditions des dispositions anti-terroristes. Il s’ensuit que cette disposition, par la pratique, doit être considérée comme faisant partie de l’arsenal pénal de la lutte contre le terrorisme.
Force est de constater que les comportements qui ont fait l’objet de poursuites se réduisent dans la majorité des cas à l’espace virtuel. Cela n’est pas si étonnant, puisque la force des organsiations djihadistes est justement de réunir à travers le monde des personnes partageant des idées similaires quant à la nécessité de mener une guerre en passant par la Toile, ses plateformes et, surtout, ses réseaux sociaux. Or si l’acte de terrorisme ultime à prévenir est l’attentat, il apparaît évident que l’arsenal pénal anti-terroriste suisse permet aux autorités d’intervenir très en amont dans l’iter criminis. La seule réception de vidéos de propagande[206] ou la publication d’une seule vidéo de ce type[207] suffisent à déclencher une poursuite pénale avec sa toute-puissance, tout comme la diffusion d’un entretien qui pourrait relever du domaine journalistique, mais qui a été jugée comme relevant de la propagande et valant aux personnes concernées de lourdes peines en comparaison d’autres comportements sanctionnés[208].
Tant au niveau des observations descriptives qu’en terme d’analyse jurisprudentielle, il est donc possible de relever un arsenal pénal au champ d’application étendu, ainsi que son extension par l’interprétation judiciaire. Cela a pour conséquence de couvrir un nombre plus élevé d’activités associées à la mouvance djihadiste, ainsi que d’acteurs gravitant dans la sphère des groupuscules djihadistes. Malgré l’affirmation répétée que la sympathie n’est pas en soi pénalement répréhensible, il apparaît que les autorités pénales poursuivent et sanctionnent toute expression de sympathie pour des organisations comme l’Etat islamique, même si celle-ci est loin d’être expresse[209]. Les dernières années ont ainsi vu le développement d’une stratégie pénale très répressive couvrant, pour ainsi dire, l’intégralité du spectre d’une quelconque mobilisation en faveur de la cause djihadiste.
En résumé, des procédures pénales sont ouvertes et des mesures de contrainte imposées, ou du moins disponibles pour les autorités de poursuite, cela même pour des actes bénins qui se trouvent dans une sphère qui ne peut même pas être raisonnablement qualifiée comme relevant de la « préparation de la préparation de la préparation »[210]. Ce constat se confirme également à l’analyse – toutefois brève – des actes poursuivis par le MPC sans que la poursuite ne débouche sur une mise en accusation devant le TPF. Il s’agit là des ordonnances (pénales, de classement, de non-entrée en matière) émises par le MPC. Alors que le MPC fait état d’« environ 70 procédures pénales » en cours à la fin de l’année 2020[211], il apparaît en effet que seule une partie des procédures conduites par lui finissent devant l’autorité de jugement, si bien que la majorité des décisions sont ponctuées par une ordonnance, pénale, de classement ou de non-entrée en matière, par l’autorité de poursuite.
Comme indiqué supra, nous avons obtenu des décisions concernant seize (16) personnes ayant fait l’objet d’une procédure préliminaire entre 2014 et 2020. Dans huit (8) cas, la procédure a été classée et, dans les huit (8) autres cas, le MPC a prononcé une condamnation par la voie de l’ordonnance pénale. La peine privative de liberté maximale de 180 jours-amende a été prononcée dans six (6) cas et il s’est agi d’une peine pécuniaire de 20 jours-amende à une reprise ; ces sept (7) sanctions ont toutes été prononcées avec un sursis complet avec une durée d’épreuve de 2 à 4 ans. Dans un cas, le MPC a ordonné un travail d’intérêt général de 600 heures, soit l’équivalent d’une peine de 150 jours. Dans quatre (4) cas sur le total des huit ordonnances pénales, la sanction était également assortie d’une amende entre CHF 2’000.- et 8’000.-.
Les comportements retenus par le MPC dans ses ordonnances pénales ont, eux aussi, principalement trait à la sphère électronique, à l’instar de l’envoi de vidéos de l’Etat islamique par WhatsApp, la publication du drapeau de cette organisation sur les réseaux sociaux ou encore des « j’aime » sur des photos relevant clairement de la propagande djihadiste, comme des actes de violence commis par l’EI. L’activité sur Internet, aussi anodine qu’elle puisse paraître, mais qui relève d’un quelconque encouragement à des activités d’organisations terroristes djihadistes apparaît comme étant systématiquement sanctionnée. Une affaire plus sérieuse concernait le voyage réussi en Syrie d’une personne pour « accomplir le Jihad » et ainsi son engagement physique dans la lutte armée de l’Etat islamique ; en comparaison avec certaines procédures menées devant le TPF, il est étonnant que le MPC n’ait pas choisi, au vu de la gravité des faits, de porter l’accusation devant l’autorité judiciaire, sans même sanctionner ces faits d’une peine privative de liberté, mais d’un travail d’intérêt général.
Si les ordonnances pénales du MPC, ainsi que les jugements de condamnation du TPF permettent d’analyser l’évolution de la punissabilité des activités relatives au terrorisme djihadiste, les ordonnances de classement nous renseignent quant à elles sur l’évolution de la sensibilité du « filet pénal ». En effet, elles permettent de tenir compte des types de comportements qui engendrent un « soupçon » menant à l’ouverture d’une procédure pénale et à la prise de mesures de contrainte, bien que les soupçons ne puissent être confirmés par la suite. Ainsi, des procédures sont ouvertes suite à la transmission aux autorités de poursuite d’informations émanant du SRC[212] ou en raison du signalement émanant de particuliers ou d’institutions selon lequel une personne serait supposée mener une « activité terroriste » souvent vaguement définie. Une procédure pénale est parfois ouverte parce que des messages éveillant la suspicion des autorités sont identifiés ou parce que des virements de fonds sont signalés par l’organe compétent au motif, par exemple, que la personne en question voudrait partir dans tel pays.
Alors que les différentes accusations portées devant le TPF démontrent déjà la puissance de l’arsenal pénal et sa force préventive pour appréhender des activités préparatoires concernant le phénomène du terrorisme djihadiste, les ordonnances pénales et les ordonnances de classement du MPC prouvent que le dispositif pénal peut déclencher encore plus tôt ses moyens.
Au vu de ce qui précède, se pose la question de la nécessité des mesures policières de lutte contre le terrorisme soumises au vote populaire le 13 juin 2021 prochain.
Ces mesures porteraient-elles sur des actes qui ne sont pas déjà couverts par le droit pénal d’aujourd’hui et qui sera renforcé à partir du 1er juillet 2021 ? Il s’agirait ainsi de ce qui a été appelé dans la littérature un « net-widening », c’est-à-dire d’un élargissement du filet de contrôle social formel qui permettrait d’englober davantage d’activités au travers d’instruments nouveaux normatifs[213]. Si tel est le cas, il est difficile de percevoir quels seraient concrètement les actes qui pourraient déclencher les mesures policières de lutte contre le terrorisme. Il devrait logiquement s’agir d’actes qui seraient plus détachés encore de tout acte de violence. De ce point de vue, il n’est pas déraisonnable de penser que de tels instruments feraient avancer l’Etat sur le terrain dangereux du « Gesinnungsstrafrecht ».
Finalement, il se pourrait que ces mesures permettent d’effacer le droit pénal et ses garanties pour le remplacer par un droit administratif moins protecteur, mais répressif également. Ces mesures seront-elles utilisées dans les procédures qui, aujourd’hui, finissent classées par le MPC ? Elles permettraient assurément à fedpol, bras armé du MPC, de recourir à des mesures de contrainte similaires à celles existant dans la procédure pénale, sans pour autant devoir se soucier que l’affaire aboutisse ou non à une condamnation pénale et instruire à charge comme à décharge (art. 6 al. 2 CPP). L’autorité se trouverait dans une position plus favorable, parce qu’elle pourrait prendre des mesures très restrictives aux droits fondamentaux des personnes concernées, sans devoir démontrer une culpabilité, mais en pouvant se contenter d’affirmer une dangerosité potentielle.
[1] Loi fédérale sur les mesures policières de lutte contre le terrorisme (MPT ; FF 2020 7499). Cette novelle modifie la Loi fédérale instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure du 21 mars 1997 (LMSI ; RS 120).
[2] Servcice de renseignement de la Confédération (SRC), La Sécurité de la Suisse 2020. Rapport de situation du SRC, Berne août/septembre 2020, 13 et 44, disponible sous <https://www.vbs.admin.ch/content/vbs-internet/fr/ueber-das-vbs/organisation-des-vbs/die-verwaltungseinheiten-des-vbs/-der-nachrichtendienst-des-bundes.download/vbs-internet/fr/documents/servicederenseignement/rapportsdesituation/NDB-Lagebericht-2020-f.pdf> (consulté le 27 avril 2021).
[3] Nous reviendrons sur les attaques de Morges (septembre 2020) et Lugano (novembre 2020): infra III./6 et V./a) (N XX).
[4] SRC, Terrorisme (Novembre 2020), disponible sous <https://www.vbs.admin.ch/fr/themes/recherche-renseignements/voyageurs-djihad.html> (consulté le 27 avril 2021).
[5] SRC (n. 4).
[6] Kastriot Lubishtani/Damien Scalia/Gaëlle Sauthier/Anne-Laurence Graf, Le droit au retour en Suisse des « voyageurs du djihad » et de leurs enfants: vers une obligation de rapatriement pour la Confédération ?, RDS 2021 (à paraître).
[7] Experts indépendants des droits de l’homme de l’ONU, Suisse: Deux jeunes filles enlevées et détenues dans un camp sordide en Syrie doivent être rapatriées chez elles, Genève 21 avril 2021, disponible sous <https://www.ohchr.org/FR/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=27021&LangID=F> (consulté le 27 avril 2021).
[8] Ministère public de la Confédération (MPC), Rapport de gestion 2020, Berne janvier 2021, 36, disponible sous <https://www.bundesanwaltschaft.ch/dam/mpc/fr/dokumente/taetigkeitsbericht_ba_2020.pdf.download.pdf/BA_TB2020_FR_Online.pdf> (consulté le 27 avril 2021).
[9] Objet parlementaire n° 18.071.
[10] Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP ; RS 311.0).
[11] ATF 145 IV 470, c. 4.7.2; ATF 133 IV 58, c. 5.3; ATF 132 IV 132 = JdT 2007 IV 133, c. 4.1.2.
[12] FF 2020 7651
[13] Conseil fédéral, Lutte contre le terrorisme: entrée en vigueur de dispositions pénales renforcées, Berne 31 mars 2021, disponible sous <https://www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/communiques.msg-id-82906.html> (consulté le 27 avril 2021).
[14] Le « p » se réfère au fait que l’adoption de la loi est suspendue à l’approbation ou au rejet du peuple.
[15] Pour un examen des (nombreuses) questions soulevées par cette loi: Patrice Martin Zumsteg, Das geplante Bundesgesetz über polizeiliche Massnahmen zur Bekämpfung von Terrorismus (PMT) – Verfassungsgrundlage und Verfahrensrecht, sui generis 2021 ; Markus Mohler, PMT-Gesetz: Wichtige Bestimmungen sind weder verfassungs- noch EMRK-Konform, sui generis 2021 ; Markus Mohler, Dem PMT-Gesetz fehlt die Verfassungsgrundlage, sui generis 2021 ; Sven Zimmerlin, Das Bundesgesetz über polizeiliche Massnahmen zur Bekämpfung von Terrorismus, Sécurité & Droit 2020, 184, 184 ss ; Hans Vest, Terrorismusbekämpfung – erweiterte Vorfelddurchleuchtung und -kriminalisierung oder Mut zur Lücke ?, RSJ 2020, 323, 325 ss Gloria Gaggioli/Ilya Sobol, Counter-terrorism control orders come to Switzerland: is assigned residence for ‘potential terrorists’ compatible with art. 5 ECHR ?, EJIL:Talk! du 6 juin 2020; Kastriot Lubishtani/Hadrien Monod, Mesures policières de lutte contre le terrorisme. Analyse critique du projet de loi fédérale, Sécurité & Droit 2020, 19, 19 ss.
[16] Expert∙e∙s universitaires en droit, Lettre ouverte sur le projet de Loi fédérale sur les mesures policières de lutte contre le terrorisme, 23 septembre 2020, disponible sous <http://www.ius-gentium.ch/wp-content/uploads/2013/11/MPT_Lettre-ouverte_Universitaires.pdf> (consulté le 27 avril 2021).
[17] Conseil fédéral, Explication du Conseil fédéral pour la votation populaire du 13 juin 2021, Berne 5.3.2021, 12, disponible sous <https://www.admin.ch/dam/gov/fr/Dokumentation/Abstimmungen/JUNI2021/
Abstimmungsbroschuere_13-06-2021_fr_UA.pdf.download.pdf/Abstimmungsbroschuere_13-06-2021_fr_UA.p
df> (consulté le 27 avril 2021).
[18] Vest (n. 15), 328 ss; Nathalie Dongois/Kastriot Lubishtani, Un droit pénal publicisé dans le contexte de la sécurité nationale à l’épreuve de la menace terroriste, in: Véronique Boillet/Anne-Christine Favre/Vincent Martenet (édit.), Le droit public en mouvement. Mélanges en l’honneur du Professeur Etienne Poltier, Genève/Zurich/Bâle 2020, 167, 178 ss.
[19] Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (CPP ; RS 312.0).
[20] Les MPT illustrent d’ailleurs la nature protéiforme de l’arsenal de lutte contre le terrorisme. En dehors du droit pénal, la Suisse fait usage des instruments infra- et extra-pénaux ressortissant au droit public. A ce titre, nous pouvons mentionner les expulsions et les interdictions d’entrée en Suisse (art. 67 et 68 de la Loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 [LEI ; RS 142.20]) ainsi que le retrait de nationalité (art. 42 de la Loi fédérale sur la nationalité du 20 juin 2014 [LN ; RS 141.0.]).
[21] « Crime funnel »: Yanick Charette/Vere van Koppen, A capture-recapture model to estimate the effects of extra-legal disparities on crime funnel selectivity and punishment avoidance, Security Journal 2016, 561, 562.
[22] Loi fédérale interdisant les groupes « Al-Qaïda » et « Etat islamique » et les organisations apparentées du 12 décembre 2014 (LAQEI ; RS 122.0).
[23] Kastriot Lubishtani, Terrorisme et droit pénal des mineurs: une équation complexe valant le détour par Winterthour, forumpoenale 2020, 141, 141.
[24] Nous verrons plus tard que seules quelques ordonnances pénales ont été contestées pour être finalement jugées par le TPF: infraIII./1 (N X).
[25] Dans cette contribution, les jugements prononcés à l’encontre des mineurs ne seront pas abordés, mais nous évoquons les demandes auprès des autorités compétentes dans le cadre de la méthodologie pour nous permettre de brosser un tableau complet.
[26] MPC, Ordonnances pénales et décisions, disponible sous <https://www.bundesanwaltschaft.ch/mpc/fr
/home/zugang-zu-amtlichen-dokumenten/strafbefehle–einstellungs–und-nichtanhandnahmeverfuegungen.html> (consulté le 27 avril 2021).
[27] Lubishtani (n. 23), 141.
[28] Arrêt TF 1B_426/2019 du 19 septembre 2019.
[29] Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. ; RS 101).
[30] Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH ; RS 0.101).
[31] Arrêt TPF SK.2019.71 du 11 septembre 2021. Nous avons cependant assisté aux débats et pris des notes extensives nous permettant de compléter certaines informations.
[32] Arrêt TPF SK.2006.15_B du 28 février 2007.
[33] Arrêt TPF SK.2019.49 du 3 septembre 2020.
[34] Arrêt TPF SK.2017.39 du 18 août 2020.
[35] Arrêt TPF SK.2019.23 du 15 juillet 2019 ; SK.2019.63 du 12 décembre 2019 ; SK.2019.38 du 26 juin 2020.
[36] Arrêt TPF SK.2013.39 du 2 mai 2014 ; décisions TPF SK.2018.52 du 12 octobre 2018 ; SK.2019.69 du 21 novembre 2019 ; SK.2019.62 du 13 novembre 2019.
[37] Arrêt TPF SK.2007.4 du 21 juin 2007 ; SK.2013.39 du 2 mai 2014 ; SK.2019.71 du 11 septembre 2021 (pas encore publié).
[38] Arrêt TPF SK.2017.49 du 16 juin 2018.
[39] Arrêt TPF SK.2015.45 du 18 mars 2016.
[40] Arrêt TPF SK.2006.15_B du 28 février 2007.
[41] Arrêt TPF SK.2013.39 du 2 mai 2014.
[42] Arrêt TPF SK.2017.43 du 15 décembre 2017.
[43] Outre ce cas, un retrait est entré en force, une procédure a été classée et un possible retrait est étudié dans une dizaine de cas selon les renseignements obtenus auprès du SEM.
[44] Arrêt TPF SK.2017.39 du 18 août 2020.
[45] Loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR ; RS 741.01).
[46] Loi fédérale sur les armes, les accessoires d’armes et les munitions (LArm ; RS 514.54).
[47] Arrêt TPF SK.2020.11 du 8 octobre 2020.
[48] Arrêt TPF SK.2019.74 du 7 octobre 2020.
[49] Arrêt TPF SK.2017.49 du 16 juin 2018 (pour les deuxième et troisième accusés)
[50] Arrêt TF 6B_645/2007 et 6B_650/2007 du 2 mai 2008 ; 6B_57/2015 et 6B_81/2015 du 27 janvier 2016 ; 6B_948/2016 du 22 février 2017 et 6B_169/2019 du 26 février 2020.
[51] Arrêt TF 6B_1104/2016 et 6B_1132/2016 du 7 mars 2017.
[52] Loi fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et l’établissement des étrangers (RO 49 279), abrogée le 1er janvier 2008 (RO 2007 5437).
[53] Arrêt TF 6B_215/2007 du 2 mai 2008.
[54] Arrêt TF 6B_56/2019 du 6 août 2019.
[55] Arrêt TPF SK.2019.71 du 11 septembre 2021 (concernant deux personnes) et SK.2020.11 du 8 octobre 2020.
[56] Arrêt TPF SK.2017.10 du 31 octobre 2017, SK.2019.74 du 7 octobre 2020, SK.2019.49 du 3 septembre 2020 et, concernant deux (2) personnes), SK.2020.7 du 27 octobre 2020.
[57] Arrêt TF 6B_1385/2017 du 3 août 2018 suite à l’arrêt TPF SK.2017.10 du 31 octobre 2017.
[58] Arrêt TPF SK.2019.38 du 26 juin 2020.
[59] Arrêt TPF SK.2020.11 du 8 octobre 2020.
[60] Cinq (5) de ces indemnités concernent l’arrêt TPF SK.2006.15_B du 28 février 2007. Dans cette affaire, les prévenus avaient passé jusqu’à une année et demie en détention provisoire ou pour motifs de sûreté et ont tous été acquittés du chef d’infraction à l’art. 260ter CP.
[61] Arrêt TPF SK.2007.4 du 21 juin 2007 ; SK.2013.39 du 2 mai 2014.
[62] Arrêt TPF SK.2017.49 du 15 juin 2018 ; SK.2020.7 du 27 octobre 2020.
[63] Arrêt TPF SK.2013.39 du 2 mai 2014; SK.2015.45 du 18 mars 2016; SK.2020.11 du 8 octobre 2020.
[64] Arrêt TPF SK.2019.23 du 15 juillet 2019 ; SK.2019.63 du 12 décembre 2019 ; SK.2019.38 du 26 juin 2020 ; SK.2019.74 du 7 octobre 2020, SK.2019.49 du 3 septembre 2020 ; et SK.2019.71 du 11 septembre 2020.
[65] Arrêt TPF SK.2015.45 du 18 mars 2016.
[66] Arrêt TPF SK.2016.9 du 15 juillet 2016 et SK.2017.43 du 15 décembre 2017.
[67] RO 2014 4565.
[68] Mara Todeschini, Terrorismusbekämpfung im Strafrecht Eine Erörterung des Art. 260ter StGB und des Al-Qaïda/IS-Gesetzes sowie zur Diskussion stehender Gesetzesanpassungen, Zurich/Bâle/Genève 2019, N 30 s.; Gunhild Godenzi, Strafbare Beteiligung am kriminellen Kollektiv. Eine Explikation von Zurechnungsstrukturen der Banden-, Organisations- und Vereinigungsdelikte, Berne 2015, 221 ss; Maria Luisa Cesoni/Konstantin von Zwehl, La Suisse, ou l’incrimination de l’organisation criminelle comme protection de la place financière, 105, 106 ss, in: Maria Luisa Cesoni (édit.), Criminalité organisée: des représentation sociales aux définitions juridiques, Paris/Bruxelles/Genève 2004.
Carla Del Ponte, L’organisation criminelle, RPS 1995, 240, 240 s. Voir également: FF 1980 I 1216, 1223.
[69] RO 1994 1614.
[70] Laurent Moreillon/Kastriot Lubishtani, Aspects choisis de l’incrimination du terrorisme. Etude de droit comparé suisse, allemand, français et anglais, RPS 2018 499, 527; Godenzi (n. 68), 320; Marc Engler, in: Basler Kommentar Strafrecht II, Marcel Alexander Niggli/Hans Wiprächtiger (édit.), 4e éd., Bâle 2017, Art. 260ter N 4 (cité : BSK StGB-Auteur); Cesoni/von Zwehl (n. 68), 144; Del Ponte (n. 68), 242.
[71] BSK StGB-Engler (n. 70), Art. 260ter N 13; Godenzi (n. 68), 227.
[72] Ludivine Livet/Maria Dolivo-Bonvin, in: Commentaire romand, Code pénal II, Alain Macaluso/Laurent Moreillon/Nicolas Queloz (édit.), Bâle 2017, art. 260ter N 22 (cité : CR CP II-Auteur); Godenzi (n. 68), 322.
[73] FF 2018 6469, 6511 ss.
[74] Conseil fédéral, Rapport sur d’éventuelles modifications ou extensions des normes pénales contre le crime organisé, Berne 10.12.2010, 27, disponible sous <https://www.ejpd.admin.ch/dam/bj/fr/data/aktuell
/news/2010/2010-12-10/ber-br-f.pdf.download.pdf/ber-br-f.pdf> (consulté le 27 avril 2021).
[75] Motion 15.3008 du 10 février 2015.
[76] FF 2018 6469, 6508.
[77] Voir la proposition de la minorité V lors des travaux parlementaires soutenue par 71 voix pour, mais rejetée par 119 voix contre (BO 2020 N 1005).
[78] Le Message (FF 2018 6469, 6507) fait référence à ce document, mais il n’est pas public et nous a été remis par la CCDJP suite à une demande d’accès.
[79] Voir : arrêt United States Supreme Court 08-1498, Holder c. Humanitarian Law Project du 21 juin 2010.
[80] Vest (n. 15), 331, y voit une erreur.
[81] Todeschini (n. 68), N 100; Frédéric Bernard, L’Etat de droit face au terrorisme, Genève/Zurich/Bâle 2010, 144 ss.
[82] Arrêt TF 1A.194/2002 du 15 novembre 2002, c. 3.7.
[83] ATF 131 II 235 = JdT 2007 IV 29, c. 2.12.
[84] Arrêt TPF SK.2007.4 du 21 mai 2007, c. 4.2.1
[85] Arrêt TF 6B_645/2007 et 6B_650/2007 du 2 mai 2008, c. 7.1.
[86] Arrêt TPF SK.2013.39 du 2 mai 2014, c. 1.3.4/a).
[87] Arrêt TPF SK.2013.39 du 2 mai 2014, c. 1.3.4/a).
[88] Arrêt TPF SK.2013.39 du 2 mai 2014, c. 1.3.4/c), d) et e).
[89] Arrêt TPF SK.2014.45 du 18 mars 2016, c. I/2.1. Notons que dans les arrêts TPF SK.2015.45 du 18 mars 2016 et SK.2020.11 du 8 octobre 2020 l’autorité judiciaire ne s’est pas attachée à déterminer si l’organisation en question appartenait au « noyau dur » de l’EI.
[90] Arrêt TF 6B_1132/2016 du 7 mars 2017, c. 6.1.
[91] ATF 145 IV 470, c. 4.7.2.
[92] Arrêt TPF SK.2016.30 du 14 juin 2018, c. 2.4.2/a). A ce sujet, cf. : Frédéric Bernard, Lois contre le terrorisme et Etat de droit, SJ 2016, 177, 193 s.
[93] ATF 145 IV 470, c. 4.7.2 et références citées.
[94] Arrêt TPF SK.2016.30 du 14 juin 2018, c. L.
[95] Sur ce point, le Tribunal fédéral (ATF 145 IV 470, c. 4.6) a néanmoins contredit l’autorité inférieure qui considérait qu’il n’était « pas établi que [cette organisation] ait commis les actes de violence qui lui sont imputés » (arrêt TPF SK.2016.30 du 14 juin 2018, c. 2.4.2/a).
[96] ATF 145 IV 470, c. 4.8.
[97] ATF 145 IV 470, c. 4.7.2 et 4.8.
[98] Arrêt TPF SK.2013.39 du 2 mai 2014, c. B./1.2.3 ; SK.2015.45 du 18 mars 2016, c. II./1.5.
[99] Arrêt TPF SK.2016.30 du 14 juin 2018, c. 2.3.2.
[100] Arrêt TPF SK.2013.39 du 2 mai 2014, c. B./1.2.3 ; SK.2015.45 du 18 mars 2016, c. II./1.5.
[101] Arrêt TF 6B_1104/2016 et 1132/2016 du 7 mars 2017, respectivement c. 2.3 et 6.2.3.
[102] Arrêt TF 6B_1104/2016 et 1132/2016 du 7 mars 2017, respectivement c. 2.3 et 6.2.3.
[103] Arrêt TPF SK.2013.39 du 2 mai 2014, c. 1.3.4.
[104] Arrêt TF 6B_1104/2016 et 1132/2016 du 7 mars 2017, respectivement c. 2.3 et 6.2.
[105] Arrêt TPF SK.2015.45 du 18 mars 2016, c. VI./2.3.1.
[106] Arrêt TPF SK.2015.45 du 18 mars 2016, c. VI./4.2.1.
[107] Arrêt TPF SK.2020.11 du 8 octobre 2020, respectivement c. 2.6.6, 2.6.4, 2.6.3 et 2.6.1.
[108] Arrêt TPF SK.2019.71 du 11 septembre 2020.
[109] Arrêt TPF SK.2016.15 du 28 février 2007, c. 4.4.
[110] Arrêt TPF SK.2017.10 du 30 octobre 2017.
[111] Arrêt TPF SK.2019.71 du 11 septembre 2020.
[112] Arrêt TPF SK.2020.11 du 8 octobre 2020, c. 6.7.
[113] Arrêt TPF SK.2015.45 du 18 mars 2016, c. II./1.6.
[114] Arrêt TPF SK.2007.4 du 21 juin 2017, c. 4.2.2.
[115] Arrêt TPF SK.2013.39 du 2 mai 2014, c. 1.3.7.
[116] Loi fédérale sur le renseignement du 25 septembre 2015 (LRens ; RS 121).
[117] FF 2018 6469, 6524.
[118] Arrêt TPF SK.2016.9 du 15 juillet 2019, c. 1.15.
[119] Arrêt TPF SK.2007.4 du 21 juin 2017, c. 4.2.6.
[120] Arrêt TPF SK.2007.4 du 21 juin 2017, c. 4.2.6.
[121] Arrêt TPF SK.2018.52 du 12 octobre 2018.
[122] Arrêt TPF SK.2015.45 du 18 mars 2016.
[123] Arrêt TPF SK.2019.38 du 26 juin 2020, c. 3.3.4.
[124] Arrêt TPF SK.2019.71 du 11 septembre 2020.
[125] Arrêt TPF SK.2007.4 du 21 juin 2007, c. 4.2.6.
[126] Arrêt TPF SK.2019.23 du 15 juillet 2019, c. 3.2.2; SK.2019.38 du 26 juin 2020, c. 5.3.4.
[127] ATF 146 IV 23, c. 2.2.3 s.
[128] Arrêt TPF SK.2019.71 du 11 septembre 2021.
[129] Arrêt TPF SK.2019.63 du 18 décembre 2019, respectivement SK.2007.4 du 21 juin 2017.
[130] Arrêt TPF SK.2019.23 du 15 juillet 2019.
[131] A cet égard: Ahmed Ajil/Manon Jendly, Fabriquer un « dangereux ennemi terroriste » : une étude de cas suisse sur les implications d’une prophétie, Déviance et Société 2020, 633, 652.
[132] Arrêt TF 6B_1104/2016 et 6B_1132/2016 du 7 mars 2017.
[133] Arrêt TF 6B_645/2007 et 650/2007 du 2 mai 2008, c. 7.3.1 ; TPF SK.2007.4 du 21 juin 2007, c. 4.2.6 ; ATF 133 IV 235 = JdT 2007 IV 119, c. 4.2.
[134] Moreillon/Lubishtani (n. 70), 544 s. ; Umberto Pajarola/Moritz Oehen/Marc Thommen, in : Jürg-Beat Ackermann et al. (édit.), Kommentar Kriminelles Vermögen. Kriminelle Organisation, vol. II, Zurich/Bâle/Genève 2018, Art. 260ter N 466 ss,
[135] FF 1993 III 269, 294.
[136] FF 2018 6469, 6512 s.
[137] Dongois/Lubishtani (n. 18), 179.
[138] Conseil fédéral, Avis du 2 septembre 2015 en réponse à la motion 15.3008 du 10 février 2015.
[139] Art. 1 et 2 de l’ordonnance du Conseil fédéral instituant des mesures à l’encontre du groupe « Al-Qaïda » et d’organisations apparentées du 7 novembre 2001 (RO 2001 3040 ; 2002 376).
[140] RO 2003 4485 ; 2005 5425 ; 2008 6271.
[141] RO 2012 1.
[142] RO 2014 4565.
[143] RO 2018 3345.
[144] Dans la jurisprudence : ATF 123 IV 29, c. 3a) ; 122 IV 258, c. 2a). Dans la doctrine : José Hurtado Pozo/Federico Illiánez, in : Laurent Moreillon/Nicolas Queloz/Alain Macaluso/Nathalie Dongois (édit.), Commentaire romand. Code pénal I, Bâle 2020, art. 1 N 21 ; BSK StGB-Popp/Berkemeier (n. 70), Art. 1 N 2.
[145] Urs Saxer, in: Bernhard Waldmann/Eva Maria Belser/Astrid Epiney (édit.), Basler Kommentar. Bundesverfassung, Bâle 2015, Art. 185 N 108.
[146] Giovanni Biaggini, « Ausserordentliche Umstände » – oder : Gefangen in der « Notrechts-Falle » ?, ZBl 2012 109, 109.
[147] Arrêt TF 6B_948/2016 du 22 février 2017 et 6B_169/2019 du 26 février 2020, respectivement c. 4.1 et 2.1.
[148] Arrêt TPF SK.2016.9 du 15 juin 2016, c. 1.14.1.
[149] Arrêt TPF SK.2016.9 du 15 juin 2016, c. 1.14.
[150] Moreillon/Lubishtani (n. 70), 528 ss.
[151] Arrêt TPF SK.2017.49 du 15 juin 2018, c. 2.2.3 s. ; SK.2019.23 du 15 juillet 2019, c. 3.1.1 s. ; SK.2019.38 du 26 juin 2020, c. 3.3.2 s.
[152] Arrêt TPF SK.2019.23 du 15 juillet 2019, c. 3.2.2 ; SK.2019.38 du 26 juin 2020, c. 3.3.4.
[153] Arrêt TPF SK.2019.23 du 15 juillet 2019, c. 5.4 ; SK.2019.63 du 12 décembre 2019, c. 2.1.
[154] Arrêt TPF SK.2019.38 du 26 juin 2020, c. 5.3.2.
[155] Arrêt TPF SK.2020.7 du 27 octobre 2020.
[156] Arrêt TPF SK.2019.74 du 7 octobre 2020, c. 2.3.2 s.
[157] Arrêt TPF SK.2017.39 du 18 août 2017.
[158] Arrêt TPF SK.2019.49 du 3 septembre 2020, c. 16.10.
[159] Arrêt TPF SK.2019.23 du 15 juillet 2019.
[160] Arrêt TPF SK.2019.38 du 26 juin 2020.
[161] Arrêt TPF SK.2019.49 du 3 septembre 2020.
[162] Arrêt TPF SK.2019.63 du 18 décembre 2019 ; SK.2019.74 du 7 octobre 2020.
[163] Arrêt TPF SK.2017.49 du 15 juin 2018 ; SK.2020.7 du 27 octobre 2020.
[164] Arrêt TPF SK.2017.39 du 18 août 2017.
[165] Arrêt TPF SK.2016.9 du 15 juin 2016, c. 1.14.1.
[166] Arrêt TPF SK.2016.9 du 15 juillet 2016, c. 1.14.
[167] Arrêt TPF SK.2016.9 du 15 juillet 2016, c. 2.3.1.
[168] Arrêt TF 6B_948/2016 du 22 février 2017, c. 4.2.1; Andreas Eicker, Zur Interpretation des Al-Qaïda- und IS-Gesetzes durch das Bundesstrafgericht in Fall eines zum Islamischen Staat Reisenden, Jusletter 2016, 21 novembre 2016, N 6.
[169] Arrêt TPF SK.2016.9 du 15 juillet 2016, c. 1.14.3 ; TF 6B_948/2016 du 22 février 2017, c. 4.2.1.
[170] Arrêt TPF SK.2016.9 du 15 juillet 2016, c. 1.14.
[171] Arrêt TF 6B_948/2016 du 22 février 2017, c. 4.2.2.
[172] Arrêt TF 6B_948/2016 du 22 février 2017, c. 4.2.2.
[173] Arrêt TPF SK.2017.43 du 15 décembre 2017, c. 2.4.3.
[174] Arrêt TPF SK.2017.43 du 15 décembre 2017, c. 2.4.3.
[175] Lubishtani (n. 23), 146.
[176] Arrêt TPF SK.2017.43 du 15 décembre 2017.
[177] Arrêt TPF SK.2016.9 du 15 juillet 2016.
[178] BSK StGB-Hagenstein (n. 70), art. 135 N 1 s.; CR CP II-Ros (n. 72), art. 135 N 2 s.; Ursula Cassani, Les représentations illicites du sexe et de la violence, RPS 1993, 428, 441.
[179] ATF 131 IV 16, c. 1.2 ; ATF 128 IV 25, c. 3a) ; BSK StGB-Hagenstein (n. 70), Art. 135 N 1 s.; CR CP II-Ros (n. 72), art. 135 N 3 et 5.
[180] Cassani (n. 178), 441 s. Voir également: arrêt TPF SK.2007.4 du 21 juin 2007, c.6 .2.1; BSK StGB-Hagenstein (n. 70), Art. 135 N 8.
[181] BSK StGB-Hagenstein (n. 70), Art. 135 N 10 ss.
[182] FF 2000 2769, 2802 ; arrêt TF SK.2007.4 du 21 juin 2007, c. 6.2.7.
[183] FF 2000 2769, 2809.
[184] Stefan Trechsel/Peter Noll/Mark Pieth, Schweizerisches Strafrecht. Allgemeiner Teil I, 7e éd., Zurich 2017, 23.
[185] ATF 137 IV 208 = JdT 2012 IV 114, c. 4.1 et 4.2.1. Voir à ce sujet: Thierry Godel/Carmine Gionata, Saisir la pornographie enfantine à l’ère du numérique, forumpoenale 2021, 130, 135.
[186] CR CP II-Ros (n. 72), art. 135 N 33 ; BSK StGB-Hagenstein (n. 70), Art. 135 N 71.
[187] FF 2000 2769, 2804.
[188] Arrêt TF 6B_289/2009 du 16 septembre 2009, c. 1.4.5 ; 6S.254/2006 du 23 novembre 2006, c. 3.3.
[189] ATF 137 IV 208 = JdT 2012 IV 114, c. 4.2.2.
[190] Mentionnons ici que le législateur français avait instauré en 2016 une incrimination de « consultation habituelle de sites terroristes » (art. 421-2-5-2 du Code pénal français adopté par la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016). Celle-ci a été censurée une première fois par le Conseil constitutionnel français, au motif qu’elle porte « une atteinte à l’exercice de la liberté de communication qui n’est pas nécessaire, adaptée et proportionnée » (décision Conseil Constitutionnel n° 2016-611 QPC du 10 février 2017, § 16). Elle a ensuite été rétablie (loi n° 2017-258 du 28 février 2017) pour être une seconde fois censurée par le même organe judiciaire (décision n° 2017-682 QPC du 15 décembre 2017).
[191] Arrêt TPF SK.2019.23 du 15 juillet 2019, c. 6.5.2.
[192] Arrêt TPF SK.2019.38 du 26 juin 2020, c. 6.15.
[193] Arrêt TPF SK.2019.69 du 21 novembre 2019, c. 3.3.2.
[194] Arrêt TPF SK.2019.38 du 26 juin 2020.
[195] Arrêt TPF SK.2019.63 du 12 décembre 2019.
[196] Arrêt TPF SK.2019.23 du 15 juillet 2019.
[197] Arrêt TPF SK.2007.4 du 21 juin 2007, c. 6.4.
[198] Arrêt TPF SK.2020.11 du 8 octobre 2020, c. 4.4.4.
[199] Arrêt TPF SK.2013.39 du 2 mai 2014, c. 3.2.4.
[200] Arrêt TPF SK.2016.9 du 15 juillet 2016, c. 2.4.3.3 ; SK.2019.49 du 3 septembre 2020, c. 18.3.
[201] Arrêt TPF SK.2020.11 du 8 octobre 2020, c. 6.5.
[202] Arrêt TPF SK.2019.49 du 3 septembre 2020, c. 19.8.
[203] Arrêt TPF SK.2007.4 du 21 juin 2007.
[204] Arrêt TPF SK.2019.23 du 15 juillet 2019, c. 7.5.1.
[205] Notes de terrain Bellinzone dans la cause SK.2019.74.
[206] Arrêt TPF SK.2019.38 du 26 juin 2020.
[207] Arrêt TPF SK.2019.23 du 15 juillet 2019.
[208] Arrêt TPF SK.2017.49 du 15 juin 2018 et SK.2020.7 du 27 octobre 2020. Voir à ce sujet deux articles de presse jugeant que les autorités judiciaires ont franchi la ligne rouge : Daniel Ryser, Selbst miserabler Journalismus ist kein Verbrechen, WOZ, 10 mai 2018, disponible sous <https://www.woz.ch/-8c41> (consulté le 27 avril 2021); Andreas Maurer, Meinungsfreiheit oder Terror-Propaganda? Der Islamische Zentralrat steht vor Gericht, Aargauer Zeitung, 15 mai 2018, disponible sous <https://www.aargauerzeitung.ch/schweiz/meinungsfreiheit-oder-terror-propaganda-der-islamische-zentralrat-steht-vor-gericht-ld.1504334> (consulté le 27 avril 2021).
[209] Lubishtani (n. 23), 147. Un exemple illustratif est la qualification de propagande retenue pour la publication sur Facebook d’une photo d’un hôpital censé être maintenu par l’Etat islamique, accompagné d’un commentaire « Photos d’un hôpital moderne et et totalement équipé de l’Etat islamique », au motif que cela donnait une image positive de cette organisation (arrêt TPF SK.2019.38 du 26 juin 2020, c. 5.3.2.).
[210] Certes, il ne faut pas sous-estimer l’importance des activités sur Internet pour les trajectoires vers l’engagement violent, mais cela ne justifierait de considérer toute la panoplie d’actes qui puissent être commis sur Internet de manière apodictique comme des actes préparatoires d’un crime violent.
[211] MPC, Lutte contre le terrorisme : perquisition et arrestations dans le canton de Fribourg, Berne 2 octobre 2020, disponible sous <https://www.bundesanwaltschaft.ch/mpc/de/home/medien/archiv-medienmitteilungen/news-seite.msg-id-80584.html> (consulté le 27 avril 2021).
[212] Sur la qualité de preuve d’éléments recueillis par le SRC, cf. : Nadja Capus, L’attribution de la qualité de preuve – une action négligée, sui generis 2020, N 36 ss.
[213] Thomas G. Blomberg/Julie Mestre, Net-Widening. The Encyclopedia of Theoretical Criminology, 1 ss.
Cet article a été publié dans Jusletter, 31 mai 2021. PDF ci-dessous.